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Ikka, Sigrid et Saga constituèrent très vite un trio d'inséparables, mené sans aucun doute par la seconde, également la plus grande en taille et de loin.
Un soir, alors qu'elles sortaient de leur dernier cours d'anglais et se dirigeaient vers l'abribus, elles observèrent avec surprise le gros engin mécanique partir sans attendre qu'elles l'atteignent.
Sigrid pesta, bientôt imitée par Ikka, mais curieusement Saga parut presque contente, comme si elle attendait ce genre d'événements...
- Si on allait faire un tour avant que le prochain arrive ?
Effectivement, elles avaient vingt bonnes minutes à attendre avant que leur ligne ne passe de nouveau...
Ikka haussa ses frêles épaules avant de lancer un regard à la grande perche toute maigre.
Sigrid opina alors du chef et pour une fois, ce fut la nouvelle qui mena la troupe.
Lorsque les deux natives de Skien comprirent où leur copine voulait aller, elles se figèrent alors tels des cierges.
- Qu'est-ce qui vous arrive ? leur demanda Saga légèrement sèchement.
Elle commençait à en avoir marre de toujours suivre les pas de Sigrid tel un petit yorkshire.
Les deux jeunes filles échangèrent un regard, Ikka poussa un soupir mais c'est la troisième qui répondit :
- Il s'est passé quelque chose avant ton arrivée, l'informa-t-elle l'air mystérieux.
Son inhabituelle façon de s'exprimer couplée à son regard fuyant et à l'intonation de sa voix, bien moins ferme qu'à l'accoutumée poussa Saga à désirer en apprendre plus :
- Mais encore ?
Le buste tourné en arrière vers ses deux amies, la nouvelle attendait avec impatience, avec une intense curiosité qu'elle ne cherchait même pas à camoufler, la suite des éléments obscurs qu'elle savait sur le point de lui être dévoilés.
Ikka lui prit alors la main.
- Pas ici, lui chuchota-t-elle avant de la conduire avec Sigrid vers un coin du parc bordant l'établissement scolaire, bien plus à l'abri des regards.
Bien que Svea ait été totalement effacée de la mémoire consciente de l'ensemble des élèves, enseignants et autres du collège, une légère paranoïa existante dans l'esprit d'Ikka, ainsi qu'une crainte partagée avec Sigrid quant à l'éventualité qu'on puisse les soupçonner de sa mort les poussait à ne jamais évoquer son nom.
Depuis son homicide en effet, même entre sa meurtrière et sa complice - qui l'avait menée jusqu'à sa maison - le sujet était en temps normal complètement tabou.
Assises sous un gros séquoia aux branches fournies en épaisses feuilles d'un vert vif, le duo laissa quelques minutes passer avant que Saga ne répète ses questions indiscrètes.
In fine, Sigrid prit la parole.
- Au début de l'année, une fille de la classe est morte en rentrant chez elle, commença-t-elle.
La meurtrière laissa l'introduction provoquer son effet.
- Elle est tombée sur les rails juste avant qu'un train passe, expliqua-t-elle.
Devant la contenance horrifiée de sa copine, l'assassine se délecta d'ajouter plusieurs agréments croustillants à son récit :
- Elle s'est fait couper en deux d'un coup, précisa-t-elle.
- Mais pourquoi elle a traversé les barrières ? remarqua Saga. Elle est débile.
Sans le vouloir, Ikka lança un regard à Sigrid.
- Complètement, confirma celle-ci d'une voix blanche.
