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Précédées par une large traînée de sang, celle-ci dégoulinant du repas de Grégory qui marchait à petits pas rapides, Déa et Axelle se demandaient de plus en plus ce qu'elles étaient en train de faire. Prenant bien garde à soulever leurs valises de façon à leur éviter qu'elles ne côtoient le fluide bien frais, elles suivaient leur hôte sans vraiment savoir si cela était une bonne idée.
Effectivement, elles avaient de prime abord voulu s'éloigner de l'entrée afin de ne surtout pas être repérées - surtout dans une cave sombre dans laquelle un homme venait d'être sauvagement tué. Là, elles commençaient presque à craindre pour leur vie.
Grégory avait vraisemblablement assassiné un humain, mais peut-être ne se doutait-il pas qu'elles deux étaient elles aussi un genre déviant de cette espèce ? Axelle pensait que le petit homme aux poils brillants et soyeux les avait probablement prises pour des ogresses.
En effet, aucune des deux jeunes femmes n'avaient été réellement choquées de la scène à laquelle elles avaient assisté. Tout au plus, elles avaient paru surprises, étonnées, comme si ce genre d'action était habituel mais seulement dans un autre cadre...
C'est alors que Déa le remarqua. L'homme n'avait absolument pas l'apparence qu'on s'attendait à observer chez un sans domicile fixe. Bien que nombre d'entre eux prennent soin de leur hygiène, celui-ci semblait à l'opposé du cliché de l'alcoolique allergique aux douches et à la bouche habitée d'aphtes et de chicots pourris.
Le petit blond sentait très bon, avait une chevelure plus saine et soyeuse que les deux jeunes femmes réunies et semblait tout droit sorti d'un salon littéraire de petits bourgeois. Et à côté de ça, il était là, dans une cave puante tout près d'une ribambelle de sacs poubelles gorgés de rats, à salir ses beaux vêtements du sang d'un homme quelconque.
Le chemin à travers le boyau gris de ferraille s'éternisait. Étrangement, aucune des deux ex danseuses exotiques n'osa demander à leur hôte où il les menait. Le trajet était étrange, seul le son de leurs trois paires de chaussures et le frottement des pieds de l'inconnu au dos en V contre le sol crasseux ne rompait ce silence désagréable.
Déa s'éclaircit la gorge. Grégory s'arrêta alors tout doucement, à la manière d'une voiture ralentissant à l'approche d'un feu rouge. Tout en gardant son gibier sur le dos - il tenait chacun de ses deux bras par chacune de ses deux mains à lui - le nain de jardin se retourna.
- Un problème ? l'interrogea-t-il de sa douce voix d'adolescent. Elles comprirent alors que le jeune homme n'avait, en âge biologique, pas plus de quatorze ans. Axelle se rappela alors que certains membres de son propre clan avaient vécu des centaines d'années.
La nostalgie lui saisir l'estomac, et tout à coup elle se sentit mal. - J'ai besoin de prendre l'air, dit-elle de son habituelle petite voix aiguë. Grégory rigola. Si elle sortait, elle n'allait pas tarder à être repérée. Et malheureusement pour la petite créature, pas par des humains au sang goûtu.
