Queer ~ Chapitre 1

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En dépit de ce qu'avait déclaré le médecin lors de sa naissance, Soraya s'était toujours sentie femme, en témoignait la splendide robe rose bonbon qu'elle arborait ce jour. Insensible aux critiques, cette belle femme transgenre haute en couleurs agitait ses hanches plantureuses sous le regard courroucé de femmes cis frustrées.

En effet, bien que n'étant initialement - biologiquement - pas du sexe d'origine auxquelles ces femmes aigries revendiquaient un monopole car possédant un vagin où s'écoulait un liquide poisseux durant plusieurs jours chaque fin de mois, on ne pouvait objectivement nier que Soraya possédait un charme, une grâce, une élégance naturelle propre à la gent féminine.

Dénuée de toute vulgarité et douce dans ses gestes et ses propos, la jeune femme au teint doré dû à un métissage franco-égyptien vivait allègrement sur l'Île de Ré où elle était née.

Là, elle se rendait à un casting afin de poser potentiellement en maillot-de-bain deux pièces pour une célèbre marque de lingerie. En effet, son corps athlétique, bien plus féminin que la plupart de celui des êtres revêches qui la toisaient correspondait en tout point à ce qu'on imaginait être un physique de femme idéal.

Mince mais possédant des formes musclées ainsi qu'une jolie poitrine accordée avec sa silhouette - créée par lipofilling à l'instar de ses hanches - Soraya n'avait qu'une petite crainte : que son entrejambe pose problème.

Non pas qu'en 2100 il était impossible d'effectuer pareille retouche. Simplement, il est vrai qu'afin d'économiser du temps, d'après sa copine Nélya, elle aussi sujette aux discriminations de genre et de races qu'elle subissait - ce qui les avait rapprochées - la plupart des marques privilégiaient ce qu'ils considéraient comme les « vraies femmes ».

En partant du principe selon lequel « qui ne tente rien n'a rien » la jolie esthéticienne rejeta sa longue queue-de-cheval brun chocolat en arrière légèrement ondulée au fer à lisser puis entra dans le centre commercial proposant cette opportunité.

Il est vrai qu'à la vue de toutes ces femmes magnifiques, a priori toutes cisgenres - Nélya avait refusé d'être de la partie - Soraya eut un instant le désir de rebrousser chemin. Mais elle repensa alors à ces regards assassins, à ce mépris quotidien et irraisonné et cela lui donna la motivation nécessaire de poursuivre son objectif.

Actuellement employée dans un café-salon de beauté pour cheveux lisses comme crépus, la jeune femme travaillait depuis maintenant cinq années avec sa copine de très longue durée d'origine sénégalaise et tunisienne, Nélya.

Cet établissement s'avérait être le seul endroit où toutes femmes peu importe leur genre, leurs origines ou même leur sexualité se sentait en sécurité. Là-bas, aucun jugement n'était de mise, ce qui expliquait pourquoi quasiment aucun homme excepté les trans, gays et autres queers n'était habitué à y mettre les pieds.

En faisant la queue, Soraya repensa soudain à l'un d'entre eux. Sélim, jeune homme marocain ayant immigré sur les terres des successeurs de Lothaire afin de fuir la répression envers les homosexuels dans son pays natal, avait du jour au lendemain tout bonnement disparu.

Deux bonnes heures plus tard, lorsque son tour de se soumettre à la sélection préliminaire arriva, elle se demandait encore où bien ce jeune garçon filiforme avait bien pu se glisser.

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