Pishtaco ~ Chapitre 11

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D'aussi loin qu'elle s'en rappelait, Yrsa avait toujours senti que les bois dans lesquels elle progressait actuellement en tremblant - de froid et de peur -  cachaient la cause secrète des multiples disparitions des environs.

Son mari, elle en était quasiment sûre, avait disparu sous cette futaie. En effet, ce dernier avait pour habitude de s'y vider l'esprit en s'y baladant régulièrement...

Heureusement pour elle, les traces de pas avaient çà et là marquées les environs, là où les branchages ne couvraient pas totalement le sol boueux.

En plein milieu de certaines empreintes de grande pointure, les traces de petits pieds d'enfants emplissaient l'espace préalablement dégagé. Yrsa sentit des larmes lui picoter les yeux. Elle se demandait ce que les quatre enfants pouvaient bien être en train de vivre avec ces deux individus-là.

Celle-ci en avait reconnu un à coup sûr, le dernier à être sorti du véhicule. Celui qui conduisait.
Le friteur, Knut Strand, avait délibérément participé à l'enlèvement de ses deux filles, accompagné d'un second homme qu'elle n'était pas parvenue à identifier.

Cette rumination conduisit inconsciemment à l'accélération du rythme de ses pas. Bientôt, Yrsa posa les pieds à l'entrée de la clairière. Celle-là même où pas plus tard qu'hier, ses deux filles avaient enchaînées - surtout Holda - les barquettes de frites préparées par Strand lui-même...

Leur mère se fit la réflexion que le prédateur avait potentiellement repéré les deux petites à cet instant. Lui, ou bien son complice...

Yrsa frissonna d'horreur. Elle maintint sa progression, puis trébucha sur un long bout de bois, suffisamment dur et allongé pour faire office de bâton de marche.

Et éventuellement d'arme. Cette dernière avait autant hâte que peur de découvrir ce qu'elle était venue chercher dans cette forêt.

Car elle en était sûre, l'expédition était un piège. Mais dans quel but ? Yrsa se surprit à imaginer - presque soulagée - que les enfants n'auraient rien et qu'elle était leur cible...

Se rendant compte que l'assimilation de cette raison en tant que vérité n'avait pour but que de la rassurer, elle fondit finalement véritablement en larmes et se laissa choir sur le rebord ferme et désagréable d'un tronc posé sur le sol...

Ses enfants - ainsi que celui de son voisin Goran - se trouvaient aux mains de deux sujets criminels et potentiellement meurtriers sans qu'elle soit capable de les retrouver.

Elle voyait les pas se poursuivre à l'extérieur de la clairière, et regretta amèrement son malaise dans la voiture.

Sans cet événement, elle aurait probablement récupéré ses enfants entiers plusieurs dizaines de minutés auparavant. Là, elle commençait à devoir ignorer certaines de ses pensées lui susurrant qu'au moins l'un d'eux n'était déjà peut-être plus vivant...

Un sentiment de culpabilité la saisit lorsqu'elle se surprit à espérer que si l'un des quatre petits avait pu être attaqué, elle espérait que ce fut Søren...

Brusquement, un élan d'énergie la remit sur pieds. Yrsa reprit sa route, désormais convaincue qu'elle pouvait encore sauver ses trois enfants. Ainsi que Søren.

Elle pénétra dans les bois sombres - il faisait toujours nuit - mais ne put faire que quelques pas entre les arbres aux troncs de différents calibres.
D'autres bruits de pas, discrets mais tout de même perceptibles, se firent entendre à sa droite. Yrsa se figea. Elle avait oublié son bâton dans la clairière.

Un extraordinaire désir de remonter le temps de quelques minutes lui vint à l'esprit.

Comme l'acte était impossible, elle réfléchit à toute vitesse afin de savoir si courir à toute vitesse - au risque de s'égarer et en plus de perdre de vue les précieuses empreintes de pas - ou affronter l'intrus était la meilleure idée.
Elle n'osait pas tourner la tête.

Elle imaginait Strand, ou bien l'autre individu encapuchonné la fixer en attendant le moindre de ses mouvements signalant le moment l'autorisant à plonger sur elle.

Ses tremblements s'accentuèrent.
- Yrsa ? chuchota une voix masculine.
Lorsqu'elle tourna la tête vers sa source, celle-ci manqua de s'évanouir une seconde fois.

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