Armée de sa batte, Yrsa se leva d'un bond. Un rictus lui étirant les lèvres, Kagel fit un pas dans le quartier est de la pièce.
Sans réfléchir, elle donna un violent coup de pieds contre la porte, mais le pishtaco s'y attendait. D'une main, il amorti le choc, non sans se départir de son petit sourire.
Yrsa hurla. Courant quelques pas, les pieds puissants de Kagel la poursuivirent immédiatement.
La pièce était petite : elle n'était que le salon de ce quartier-appartement. La batte à la main, elle allait l'abattre sur Kagel quand celui-ci s'en saisit.
D'une main.Arrachant sa seule chance de survie d'un mouvement brusque du bras, le chef du village y aposa sa seconde main, avant de lever le genou et d'éclater l'objet contre sa cuisse musclée.
Yrsa perdit soudainement connaissance. Dans sa chute, elle cogna sa tête contre le parquet, faisant émerger un filet de sang qui coula le long de sa tempe.
Kagel baissa sa stature immense jusqu'à poser un genou à terre. Ramassant le corps léger et svelte de la mère des enfants, il la porta presque avec douceur d'abord dans le couloir, où il marcha quelques temps, puis jusqu'à une énième salle.
Les paupières d'Yrsa papillonnèrent au moment où elle comprit qu'elle n'était pas allongée sur la terre ferme. Sentant ses longues jambes minces se faire ballotter par elle ne savait quels bras, elle ouvrit ses grands yeux clairs avant de les refermer tout aussi vite.
Le visage pâle illuminé par des pupilles toutes aussi bleues que les siennes fixaient un point droit devant lui. Sa mâchoire, ornée d'une barbe foisonnante couleur chocolat, paraissait anormalement contractée.
Yrsa n'osa pas réouvrir ses yeux, tout comme elle savait son corps trop faible pour réussir à s'échapper.
L'homme paraissait aussi vigoureux qu'elle s'imaginait faible : de plus, tout en se faisant déplacer dans les airs, elle se souvint du destin de la batte.
Sans elle, incapable d'affronter Kagel. Tout au plus, elle pouvait espérer s'échapper de là où il était en train de la mener, une fois que ce dernier aurait rejoint la surface...
Plus pour se rassurer que parce qu'elle y croyait, elle se rappela que si le vampire avait voulu l'amincir, il l'aurait déjà fait. En effet, elle ne se souvenait pas l'avoir vu se donner la peine de déplacer Goran avant d'en faire son affaire.
Finalement, le chef du village déposa lentement Yrsa sur le sol. Elle n'osa tout d'abord pas découvrir les lieux, cependant elle ne put ignorer une certaine effluve nauséabonde qui sauta dans ses narines.
Sans un mot, l'homme quitta cet énième quartier, laissant la porte grande ouverte. Un peu plus loin, elle entendit distinctement le grincement d'une porte se refermer.
Espérant y découvrir ses enfants, Yrsa ouvrit ses paupières dans l'idée de balayer les alentours du regard.
Glacée de terreur, un hurlement d'horreur lui brûla la gorge.
Sous ses yeux, une dizaine d'enfants, âgés de cinq à dix ans se tenaient assis sur le sol, le corps noirci par la crasse.
Leurs enveloppes décharnées laissaient voir leur squelette à travers une peau quasiment dépourvue de gras. Leurs poignets enchaînés aux murs n'étaient pas plus épais que la réunion de trois doigts accolés d'Yrsa.
Lorsque leurs yeux profondément enfoncés dans leurs orbites la dévisagèrent, elle vit distinctement leurs iris, tantôt bleues, tantôt marron et même vairons pour l'un d'entre eux, virer à un rouge écarlate semblable à celui apparu dans ceux azur de Kagel avant son attaque devant la trappe.