Pishtaco ~ Chapitre 9

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Par réflexe Hedda bloqua sa respiration. Aussitôt et tout aussi consciemment Goran Dahl l'imita. Tous deux étaient figés dans le noir, Hedda la main plaquée par le père de Søren et lui-même légèrement penché vers Hedda.

Tels deux statues de cire dégoulinantes, ils fixaient avec horreur l'ombre propulsée par deux pieds juste devant l'entrée de leur cachette.
Soudain, la bête émit un son inquisiteur, comme si elle semblait se rendre compte qu'elle avait fait erreur.

Puis subitement, ses deux proies initiales l'entendirent tourner les talons. Les relents qui l'accompagnaient s'estompèrent. Goran retira sa main de la bouche d'Hedda. À la fois dégoûtée par la sueur que sa main avait laissée sur son visage et soulagée que la créature s'en soit allée, elle poussa un léger soupir.

Tout à coup, sa sœur, son frère et Søren lui revinrent à l'esprit. Posant une de ses petites mains blanches contre la porte coulissante du placard, les doigts épais de Goran lui empoignèrent brusquement l'avant-bras avant qu'elle ne puisse terminer son geste.
- Qu'est-ce que tu fais ? chuchota-t-il d'un air mécontent.

L'adulte paraissait en colère contre la petite fille. Néanmoins, au léger tremblement de sa voix, qui d'ailleurs était étrangement plus aiguë qu'à l'accoutumée, elle comprit que son agacement dissimulait une terreur aussi grande que la sienne.

- Søren... commença Hedda.
La compression diminua. Goran poussa un soupir.
- Je vais y aller, dit-il à haute voix - plus à lui-même pour se donner du courage que pour en informer Hedda. Toi tu restes ici.
La petite fille allait protester, mais elle se ravisa. La bête n'avait pas été capable de la trouver, là où elle était. En restant cachée là, les risques pour qu'elle la trouve étaient minces.

Et de toute manière à quoi bon accompagner Goran ? Il allait chercher Søren, pas besoin d'être deux pour s'en occuper.
Pour Søren oui, mais pour Daegan et Holda...
- Bouge pas d'ici, ordonna Goran d'un ton ferme.
Hedda ne répondit pas. À aucun moment, elle ne pensa qu'il fut possible que ses frère et sœur soient rentrés à la maison.

Goran referma le cagibi aussi doucement qu'il l'avait ouvert. Et laissa une Hedda seule dans le noir. Celle-ci attendit quelques minutes avant de mettre l'idée qu'elle avait en tête à exécution.
Malgré les efforts prodigués pour demeurer le plus discret possible, le poids important de Goran déclenchait un léger craquement à chacun des pas écrasant les marches des escaliers reliant le sous-sol avec le rez-de-chaussée.

Entre lui et son fils, plus qu'un étage ne les séparait désormais. Néanmoins, entre lui et la bête il ne restait que quelques mètres.
Pendant que Goran progressait de son côté, Hedda s'était quant à elle tout d'abord mise à hésiter. Soudain, une lumière éclaira sa réflexion.

La bête était montée. Mais la cave demeurait grande ouverte. Lentement et en faisant le moins de bruit possible - par précaution - Hedda ouvrit le placard à balai sur toute sa longueur.
Juste après son extraction de la cachette, la petite  reprit le chemin inverse.

De la bibliothèque saccagée à la porte d'entrée de la salle de jeux souterraine, aucun obstacle n'entravait sa sortie.

Uns fois à l'air libre, elle scruta d'un œil inquiet les alentours du jardin, à la recherche du moindre mouvement pouvant indiquer la présence d'une créature intruse.

Son souffle se coupa subitement. Dans les buissons juste en face de l'espace dégagé par le petit portail, deux grands yeux jaunes la fixaient.
Puis Hedda comprit. C'était Vilmar.

Contrairement à Krydda, ce chat ne réclamait pas la présence de ses maitres quasiment constamment. L'animal fit quelques pas en avant, avant de s'enfuir en courant vers la gauche d'Hedda et du parapet.

La petite remonta d'un pas mal assuré les escaliers la menant au jardin. Une fois en haut des marches elle comptait bien courir le plus vite possible en direction de la maison voisine.

Mais son plan ne fut jamais mis à exécution. À peine arrivée au bout des escaliers, une main large et puissante se plaqua contre sa bouche avant de la tirer en arrière.

Hedda ne vit pas le visage de son kidnappeur. Cependant, lorsque l'homme lui lia les poings puis l'enferma à l'arrière d'une camionnette, lui banda les yeux puis colla un gros morceau de scotch marron sur sa bouche, elle remarqua qu'un agréable parfum de lait coagulé et fermenté affluait dans l'habitacle.

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