Aïsha Kandisha ~ Chapitre 25

0 0 0
                                    

L'inconnue mâchonna son repas en plongeant ses prunelles sombres dans celles de Déa. C'est alors que celle-là remarqua un point qui n'avait rien d'anodin : les iris, les pupilles ainsi que ce qui était supposé être le blanc de ses yeux s'avéraient entièrement noirs.

Surprise par cette découverte, la danseuse en oublia presque l'horreur et la dangerosité de la situation dans laquelle elle se trouvait. Soudain, elle ressentit le besoin de lui dire quelque chose, n'importe quoi. La petite nordique supportait de moins en moins ce silence pesant, rompu uniquement par les bruits de mastication de l'étrangère.

Étrangère, voilà ce qu'était surtout la belle Déa dans cet environnement. Elle n'avait aucune idée de ce que cette créature pouvait être. Néanmoins, son instinct de survie lui intimait d'être prudente avec cette autre femme, de garder une distance respectueuse. Et en aucun cas de l'attaquer. La créature humanoïde dégageait une aura mêlant l'éblouissement et la terreur.

Sa beauté contrastait violemment avec l'acte barbare qu'elle était en train d'exécuter. Fascinée, Déa la regardait manger avec une vive envie de prononcer la phrase qui lui aurait permis de quitter la propriété sans encombre. Enfin, l'occupante du manoir rompit le calme ambiant :

- Tu peux t'en aller. Cette fois-ci.
Déa se demanda si l'autre femme ne lui tendait pas un piège. Allait-elle se jeter sur elle une fois sortie des escaliers ? « Non, pensa aussitôt la jeune femme. Elle aurait pu le faire bien avant... »
Depuis combien de temps l'autre femme elle aussi aux origines scandinaves l'espionnait-elle ?

Probablement depuis l'instant où son beau-père avait lancé sur elle cette pauvre humaine. Bien évidemment, le maquereau s'était douté que son esclave sexuel ne risquait pas de tuer sa précieuse Aïsha. Néanmoins, l'alerter quant au fait qu'elle était surveillée - notamment par lui - et qu'elle ferait bien mieux de rentrer au logis aurait dû suffir à la mener à l'aéroport.

Et pourtant, que nenni, cette gamine têtue de nature avait choisi de rester ici, à Orlando, ville qu'elle savait jusqu'ici exclusivement placer sur une carte. Pourquoi restait-elle d'ailleurs ? Pour cette pauvrette de Rubis ? Celle-ci se dépêcherait bien vite de retrouver ses Pleasers lorsqu'elle découvrirait que dans le cas opposé, c'est la prison ou l'hôpital psychiatrique qui l'attendait.

Quoi qu'il en soit, Déa choisit de faire confiance à l'étrangère. Lentement, prêtant attention au moindre mouvement de la maîtresse des lieux, la jeune femme retrouva la surface avant de s'enfuir en courant.

Sans se retourner ni ralentir, elle se jeta sur le portail qu'elle escalada efficacement avant de se laisser tomber sur la bitume.

Quelle nuit rocambolesque elle vivait ! Maintenant, il était temps de trouver ce que Grégory demandait en échange du maintien en vie de Rubis. Depuis qu'elle la connaissait pour de vrai, Déa détestait cette façon de nommer sa copine.

La brune se remit à arpenter les rues, désormais désertes. Le quartier s'avérant beaucoup trop cossu pour attaquer tranquillement - les riches et leurs systèmes de sécurité... -, elle marcha deux heures jusqu'à repérer au loin un quartier nettement moins favorisé.

Pour ne pas dire carrément miséreux.

Vantablack Où les histoires vivent. Découvrez maintenant