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Amemasu avait eu tort : Gélase ne gagnait pas sa vie confortablement, l'ancien agent administratif, en comparaison de ses anciennes fonctions avait le sentiment de rouler sur l'or.
C'était la mystérieuse femme aux cheveux couleur chocolat au lait et aux yeux vert clair qui lui dénichaient un à un l'immense majorité - pour ne pas dire la quasi totalité - de ses clients.
Ceux-là se présentaient toujours de la même manière : d'après leurs dires, une autre commerciale respectée et expérimentée le recommandait lui en particulier, pour la diligence de ses actions et la qualité de sa réflexion.
Le quarantenaire pas encore tout à fait vieux passait le plus clair de son temps à vendre des compléments alimentaires à une ribambelle d'inconnus.
Apriori, ceux-ci étaient conquis par les choix qu'il leur présentait, et parfois ils revenaient afin de lui quémander divers autres conseils relatifs à la résolution d'un problème d'eczéma, de perte de cheveux ou encore de sécheresse cutanée.
Amemasu fut la première à féliciter ses talents de négociateur.
Alors qu'il promenait Andros et Nutella à ses côtés - comme ils le faisaient de plus en plus régulièrement - la jeune femme lui proposa d'aller tremper ses orteils dans l'eau douce du lac alentour.
Durant une fraction de seconde, Gélase trouva la proposition curieuse, intrigante, mais il se fit prendre au jeu et la suivit.
Ses deux gardiens firent de même, tout en aboyant joyeusement à l'idée de s'éclabousser mutuellement dans l'eau.
Il faisait relativement chaud ce jour.
Amemasu conduisit son ami et paradoxalement également concurrent jusqu'à la rive du lac.
C'est alors que son poulain effleura sa peau, cette dernière se trouvant recouverte d'une surface d'un blanc scintillant à la lumière du soleil.
Mais surtout - et c'était plus que bizarre - étrangement poisseuse et glissante.
Comme si cette séduisante femme s'était frottée la chair avec le corps non écaillé d'un poiscaille.
Gélase fronça les sourcils mais ne pipa mot.
Andros posa une patte dans l'eau avant de se retourner vers son maître, qui l'autorisa alors à se baigner.
À la grande joie également de Nutella.
Avec surprise, il observa soudain sa parraine se déshabiller elle-même avant de se jeter à l'eau.
Puis de lui faire signe de le suivre.
À son grand âge et peu sportif, il est vrai qu'en comparaison d'Amemasu, la plastique de l'homme de dix ans de plus qu'elle faisait pâle figure.
Néanmoins, il retira son t-shirt, son bas et ses chaussures avant de terminer de l'imiter.
L'eau était douce et tiède, absolument pas froide comme il l'avait craint dans un premier temps.
Comme quoi, la peur était bien souvent supérieure à l'état d'anticipation que lors de la commission de l'acte.
Andros aboya alors, mais d'un ton nettement moins espiègle.
C'était comme s'il cherchait à alerter son inconscient maître d'un péril présent.
Gélase se tourna vers la belle bête au pelage noir et feu, et à son grand étonnement son frère manquait à l'appel.
- Nutella ? appela-t-il son second chien.
Il était là totalement ébaubi.
Regardant de tous les côtés, il n'aperçut pas la moindre trace de son chien.
Ni d'Amemasu.
Celle-là avait subitement disparu, en un claquement de doigts.
- Amemasu ? interrogea-t-il le vent d'une voix un peu stupide.
Ce ne fut pas cette dernière qui lui répondit.
Un instant plus tard, la gueule chargée de dents pointues d'un énorme poisson vint se saisir de sa taille.
Comme avec Nutella, et peu de temps après Andros, Amemasu engloutit Gélase d'une bouchée aspirée, en un éclair et presque silencieusement.
