La consultation

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Le docteur Delosson fixait son patient droit dans les yeux.

Ce dernier, visiblement perturbé mit du temps à s'exprimer.

Puis il le fit, d'une traite.

De ses yeux vides, plongés dans les iris du psychiatre qui cherchait un moyen de le soigner mais surtout en proie à une grande agitation intérieure, Baudoin commença en fin à s'expliquer.

Oui, il avait tué sa concubine, froidement et lâchement.

Cependant d'après ses dires, il fallait le comprendre : en proie à la misère dans laquelle ils avaient tout deux plongés après la perte de son emploi de professeur contractuel, il fallait bien qu'il trouve un moyen pour subvenir aux besoin du foyer.

La solution lui était apparue toute trouvée, croyait-il. Sa femme, jeune et en bonne santé, avait dans ses premières années de majorité souscrit à une assurance-vie.

Étrangement, après avoir prononcé ces mots, le trentenaire détourna ses yeux bleus globuleux du praticien afin de les poser sur le stylo que le docteur tenait entre des doigts, cela de manière à poser sur le papier disposé juste en face de lui la majorité des éléments que lui contaient son patient.

De temps à autre jusqu'à la bifurcation du regard de l'intéressé vers son Bic, le médecin levait la tête vers Baudoin, de façon à lui signifier que bien qu'assassin, il en restait - dans ce bureau du moins - un être humain digne d'intérêt et de soins, dont il fallait comprendre les derniers actes commis afin d'à l'avenir tenter de prévenir ses successeurs...

Sentant qu'il était mieux de le laisser parler sans l'interrompre, que la moindre question risquait de perturber le fil de son récit que, de manière méthodique, chronologique, cet ancien professeur d'histoire lui racontait, le docteur Delosson ne prononça plus le moindre mot de toute la consultation à partir du moment où Baudoin démarra son discours.

Ce dernier reprit donc sa narration. Il relata la façon dont, croyant bêtement qu'en cas de décès de sa concubine, avec qui il n'était donc pas marié, il obtiendrait le petit pactole patientant sur ce produit d'épargne, il l'avait violemment abattue alors que tous deux se préparaient à regarder American Psycho en dévorant à deux une pizza quatre fromages suivie d'un pot de glace Ben & Jerry's chacun.

Priscille n'avait rien vu venir. Alors qu'elle avait mis Netflix sur pause, pendant que son conjoint était parti leur chercher assiettes et couverts, quelle ne fut pas sa sombre surprise de se voir abattre sur la tête le contenant supposé initialement supporter la pâte dégoulinante de lait caillé fondu qu'elle aurait dû manger.

Le coup unique n'ayant pas suffi, précisait Baudoin d'une voix calme et sans timbre, ni excitée ni honteuse ni gênée, il avait alors eu la brillante idée d'achever son œuvre en lui plantant vélocement un couteau dans la nuque, avant même qu'elle pense à se retourner.

Après quoi, il avait enveloppé le corps dans un vieux drap, emmené le paquet dans le jardin de leur maison de campagne au terrain sans vis-à-vis...

C'était d'ailleurs ce qui les avait conquis lors de la visite du bien, cette forte intimité protégée par l'absence de proches voisins de cette propriété...

Après quoi, il avait mis le feu au cadavre et à son emballage, pensant faire disparaître les preuves.

Il avait attendu le lendemain midi pour signaler la disparition de sa concubine, qui, d'après lui, était sortie se promener le matin assez tôt et n'était plus jamais revenue.

Néanmoins, manquant cruellement de capacité de réflexion, l'ancien professeur d'histoire contractuel diplômé d'un simple bac s'était empressé de réclamer l'argent dormant qu'il pensait désormais à sa portée... cela peu après qu'on ait découvert cette drôle de traînée noirâtre au beau milieu du terrain vague à l'arrière de sa belle maison campagnarde.

Effectivement, Baudoin avait négligé un point important : en cas de disparition d'une femme, le conjoint de cette dernière était bien souvent le premier suspect de l'affaire.

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