Bien réchauffées sous le soleil brûlant de ce soir brûlant, Porphyre et les autres continuaient encore et encore de bêcher les champs du contremaître Moreau.
Celui-ci passait, l'œil mauvais, à travers les différentes allées, portant un regard critique sur les visages rouges de ses employées, visiblement insatisfait de leurs efforts.
Dix heures et quinze minutes par jour, avec droit à trois minutes de pause cumulées par demi-journée couplé à une heure de pause-déjeuner entre midi et treize heures, voilà à quoi étaient consacrées leurs journées.
Pour les plus chanceuses d'entre elles - car il n'y avait là que des femmes - cette activité prenait fin à la fin de l'été, où des études les attendaient dès le mois de septembre.
Mais pour les autres, principalement les plus âgées et les moins diplômées, ce dur labeur s'éternisait toute l'année.
Du haut de son jeune âge, à peu près le même que celui des étudiantes venues ici lors de la période estivale afin de compléter leur bourse scolaire, Porphyre était de celles qui au cours des douze mois de chaque année, ne disposait de quasiment aucun répit.
Le salaire ne permettait pas vraiment de partir en vacances lors des cinq semaines de congés annuels et de toute façon, les tâches opérées lors du temps de travail était suffisamment épuisant pour que ce temps libre soit majoritairement consacré à se reposer.
Alors qu'elle fantasmait sur la boîte de cassoulet qui l'attendait, Porphyre sursauta soudainement lorsque le sifflet de Moreau vint désagréablement sonner dans ses oreilles.
Enfin, cette journée était terminée. La toute jeune femme laissa un instant tomber son outil, s'essuya la face puis récupéra l'objet.
Ici, toutes les femmes dormaient dans une même cabane, ceci étant supposé constituer un avantage.
Et ce bien que le loyer, relativement élevé pour ce que c'était, d'un montant de plusieurs centaines d'euros, soit directement prélevé sur leur maigre salaire payé au taux horaire minimal et en plus de cela pas déclaré.
Pas de couverture sociale donc pour cette main d'œuvre, incluant notamment les cotisations pour leur retraite ainsi que leurs droits au chômage dans le cas où l'envie d'aller voir si l'herbe était plus verte ailleurs les prenait...
Quelques dizaines de minutes plus tard, une fois l'estomac un peu moins vide, le corps entièrement lavé et ses collègues toutes déjà bien endormies, Porphyre eut une idée.
Un choix relativement égoïste certes, mais qui mettrait fin de force à cette forme d'esclavage moderne.
Doucement, elle s'extirpa de sa couchette peu confortable, avant de se diriger tout doucement vers la cuisine où des bonbonnes de gaz initialement achetées pour cuisiner attendaient d'être utilisées.
Porphyre occupa donc sa nuit à une activité supplémentaire, exorbitante de ses obligations d'ouvrière.
Après quoi, la jeune femme partit se coucher.
Au petit matin, quelle ne fut pas la surprise des autres femmes lorsqu'elles purent dormir dix heures d'affilée sans être inquiétées.
Lorsque l'une d'entre elles se leva enfin, consciente qu'il était de loin l'heure d'aller travailler aux champs, elle découvrit avec stupeur que la maison de Moreau, disposant d'épais murs la séparant de ses plantations, s'était embrasée durant la nuit et continuait à flamber là, devant ses yeux ébahis.