Deux paires d'yeux, l'une aussi claire que l'autre était sombre, fixaient avec attention le tronc mort du riche financier.
- Il lui manque la tête, remarqua Déa d'une voix plate.
- Et les jambes, constata Kagel en jetant des petits coups d'œil un peu partout dans la petite pièce confortable à la recherche desdits membres inférieurs.Après en avoir fait le tour, le gérant observa qu'une traînée de sang frais salissait le sol recouvert d'un épais tapis de laine. D'ordinaire violet pâle, sa surface s'étaient gorgée d'un liquide sombre qui ne pouvait être que du sang.
Kagel poussa alors un soupir.
- Si au moins elle avait fait ça proprement...
En temps normal, lorsque Rubis faisait disparaitre un client, elle laissait si peu de traces que son manager fermait les yeux sur ce qu'il avait bien pu advenir d'un homme quelconque et anonyme.Or là, elle s'était attaquée au directeur de la plus grosse banque de la ville : à coup sûr, sa disparition ferait prochainement la une des médias...
Quand Aïsha s'occupait de leur repas à tous les trois - la mère de cette dernière était elle aussi soumise à ce régime hyperlipidique - il se chargeait en personne de découper la chair vidée de ses tissus adipeux puis de l'enterrer dans la forêt ou, parfois, de la jeter dans les marais un peu plus loin d'ici où les alligators se chargeaient de faire disparaître les restes...
En constatant l'étendue des dégâts, il fut partagé entre sauver son club et sauver la copine de Déa. Se remémorant ses bénéfices de l'an passé, et la part que la petite aux cheveux rouges avait apporté, il sut immédiatement ce qu'il devait faire. L'homme aux tempes grisonnantes et aux yeux bleus très clairs planta ses pupilles dans celles de sa belle-fille.
- Va dire au vigile que Scarlet a trop bu... ou plus.
En effet, il n'était pas rare que la petite latine, dénichée ivre morte dans un coin misérable de la ville ne soit sujette à certaines formes d'hallucination. De plus, tout le club - du moins les employés - connaissaient son gros penchant pour une certaine variété de blé broyé...- Je m'en occupe, répéta-t-il d'une voix un peu plus dure. Dis-leur qu'elle est rentrée avec le vieux, ou un truc comme ça.
Ce genre d'événements était hélas plus que courant pour la jolie Rubis. Pour ce qui était du sang et du morceau de cadavre, nul doute que le terrifiant Kaël Kagel - qui, étrangement, faisait disparaître tout humain s'avérant être une fouine - nettoierait tout ça.En attendant, la pièce serait scellée, le vigile godillot ferait mine de ne pas comprendre ce qui s'y était tramé.
En quittant les deux pièces et en passant devant lui - elle lui servit la version dictée par Kagel - Aïsha se demanda sérieusement si ce grand homme au crâne luisant jouait son rôle à la perfection, ou bien s'il avait trop peur de son employeur pour le dénoncer.Ce qui était sûr, c'est que ce n'était pas son maigre salaire qui assurait sa constante fidélité.
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Vantablack
TerrorVoici un recueil d'histoires d'horreur inspirées pour la majorité d'entre elles d'une légende urbaine, d'un fait divers ou bien d'un mythe.