Queer ~ Chapitre 4

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Le rendez-vous fut pris le jour même, en fin de journée. Habituée des cabinets de chirurgiens renommés, Soraya eut la surprise de pénétrer dans un appartement pitoyable camouflé au sous-sol d'un immeuble de belle apparence.

Le bien d'un marchand de sommeil. La jeune femme eut alors la vague idée durant quelques instants que Sélim pouvait avoir été victime d'effets secondaires dus à ce procédé.

Sûrement pas quelque chose de grave, on en aurait entendu parler au Java dans ce cas-là. Mais pourquoi pas un loupé après une seconde retouche ?

Ça ne tenait pas, se disait Soraya. La bouche de Sélim était toute fraîche, au vu de la date de sa disparition et de celle du post, toutes deux concordantes.

Et apriori personne n'effectuait d'injections à deux semaines d'intervalle.

Comme convenu, la brune à la queue-de-cheval appela la prestataire de service une fois qu'elle parvint devant la porte lugubre de l'ersatz de cabinet.

Toute souriante, une femme trop - et mal - refaite lui ouvrit la porte en grand. Elle l'invita à entrer et la fit asseoir sur un canapé rabougri, une tasse de café fade et amer dans les mains.

Soraya ne but pas tout de suite le liquide brunâtre, à la place elle lui posa des questions quant à son activité. Bien évidemment, l'employée du Java n'avait aucunement l'intention de se faire charcuter.

L'autre s'avérait plus que cordiale, très amicale et sociable, tant et si bien que l'esthéticienne se sentit forcée de boire sa tasse de café. Comme elle s'y attendait, le goût était infect.

Rien à voir avec ce que Nélya, Léa ou Goundo et les autres préparaient. La substance énergisante était trop diluée, le sucre trop peu absent, et que dire de cet arrière-goût salé et savonneux ?

Sans aucun doute, Soraya n'avait jamais bu pareille horreur.

Elle se retint à chaque gorgée de manifester son dégoût par une vilaine grimace similaire à celle que l'on pouvait faire lorsqu'on buvait une bière. Soraya et celle qui se faisait appeler Coline blablatèrent de longues minutes.

Soudain, un point alerta Soraya. L'injectrice lui avait proposé un rendez-vous le jour même, à l'heure précise que la cliente lui avait proposé.

Et là, l'étrangère prenait tout son temps avec elle, au lieu de précipiter sa prestation comme toute « professionnelle » de bas niveau qui se respecte.

C'est alors que la jeune femme prit conscience de sa situation : elle se trouvait seule, accompagnée d'une inconnue dont elle était quasiment sûre que cette dernière constituait le dernier témoin ayant vu Sélim en vie, inconnue exerçant une activité illégale et, comme si cela ne suffisait pas, elle buvait une boisson exécrable parfumée au liquide vaisselle salé dans le sous-sol d'un appartement, plus particulièrement au sein d'un logement lui aussi interdit...

Coline lui souriait toujours, tandis qu'elle plongeait ses lèvres dans son propre mug à l'effigie du Mont Blanc.

Bizarrement, elle ne fit aucune mention d'un prochain client.

« Il est tard » se rassura Soraya. Mais lorsqu'elle se sentit tomber dans les vapes, et qu'elle perçut nettement l'éclair de triomphe dans les prunelles de l'injectrice, elle comprit que concernant Sélim, elle avait visé juste.

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