Pishtaco ~ Chapitre 20

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Tenant sa Lucille d'une main, Yrsa se remit aussitôt sur pieds. Sa voix s'était tue, bientôt imitée par celle des quatre autres.

Devant eux, à l'extrémité de la salle - sacrément grande par rapport à la chambre occupée précédemment - gisait la carcasse squelettique d'un homme crasseux et visiblement salement amoché.

La caverne avait un certain avantage : à droite comme à gauche, deux gros passages menaient vers des quartiers a priori assez étendus.

Quatre paires d'yeux affolés la dévisageaient en espérant qu'une solution à leur situation apparaisse par ses paroles.

En réponse, Yrsa leur ordonna d'aller se cacher, ensemble, dans l'un ou l'autre des passages de la salle.

Tous quatre choisirent celui de droite.
Serrant la batte de Goran entre ses doigts, Yrsa avança précautionneusement vers le corps allongé là, par-terre.

Devant lui, à quelques mètres à peine, une machine en route, battant une substance blanchâtre aux reflets jaunâtres tournait à pleine vitesse.

Le squelette se mit à remuer. La tête vers la machine, Yrsa n'observa pas le visage émacié de Rasmus, d'autant plus que celle-ci clôt ses paupières au moment de frapper brutalement son crâne à la manière d'un golfeur tapant dans une balle.

Le bruit répugna Yrsa, mais celui-là n'était rien comparé à ce qui l'accompagna. Sous le choc, ses globes oculaires se détachèrent de leurs orbites avec force, cela juste avant d'atterrir contre la gigantesque cuve en inox contre laquelle leur corps rond et souple devint une flaque blanche mêlée de vermeil.

Yrsa retint avec peine un haut-le-cœur qui menaçait de tacher sa doudoune blanc neige. Complètement déconnectée de la réalité - elle se sentait flotter comme dans un cauchemar éveillé - elle eut l'idée d'engouffrer la chose - le corps - dans la grande cuve dont le fromage d'origine humaine laissait échapper une douceâtre odeur d'urine...

Tirant la créature décharnée à deux mains - elle avait temporairement déposé la batte de baseball sur le sol - par le dos, elle entreprit de placer ce long corps à l'odeur nauséabonde et au crâne explosé dans la machine à fabriquer la moitié d'un mélange à base de lait de vache, ce dernier étant couplé à un liquide spécifique et particulièrement chargé en matière grasse.

Au centre de cette cuve, trois lames rotatives opéraient la fluidification de la substance.
Bientôt, ils se chargèrent de broyer le cadavre puant de ce qui avait été son mari, empirant l'effluve déjà difficilement supportable.

Tout en reniflant, Yrsa sentit que se cacher en attendant l'arrivée probable de Kagel était une bonne idée. Hésitant entre rejoindre les enfants ou bien au contraire, veiller à ce qu'aucun vampire dévoreur de graisse n'apparaisse en restant à l'entrée, elle opta pour la seconde option.

Non sans craindre qu'un autre accès se trouva ailleurs, dans la grande salle à peine explorée.
Elle traversa la pièce comme une flèche avant d'aller se placer derrière la porte en bois. Accroupie, Yrsa tendait l'oreille, sur le qui-vive, sa batte bien en main toute aussi prête à s'abattre si besoin.

Soudain, des bruits de pas lourds, assez lents, effleurèrent ses tympans. Yrsa se raidit, apeurée bien que préparée
Douze secondes plus tard exactement et sans crier gare, l'auteur de ces troubles abaissa la poignée de la porte.

Tandis qu'il poussait cette dernière en avant, Yrsa sentait l'espace que son corps pouvait occuper se restreindre subitement.
Elle ferma les yeux au moment où les pieds épais du fromager pénétraient dans la salle.

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