Aïsha Kandisha ~ Chapitre 19

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La nuit était tombée. Déa avait passé la quasi totalité de sa journée, depuis son arrivée à Orlando, à marcher sans trop savoir où aller. Là, elle sentait son ventre gargouiller. Pourtant, elle avait du mal à se faire à l'idée de chasser.

L'idée la répugnait pour la première fois de sa vie. Non pas qu'étriper un parfait inconnu la dérangeait, loin de là. Simplement le fait de partager son gibier avec les ravisseurs d'Axelle.

De devoir agir sous la contrainte de quelqu'un d'autre atténuait ses instincts de chasseuse et la laissait gracier un à un chaque homme amené à croiser ses pas.

Ceux-ci la dévisageaient longuement en passant auprès d'elle. Habilement, la jeune femme faisait semblant de ne pas s'en apercevoir.

Exceptés les clients du club - elle eut un frisson à l'évocation de cette sombre période de sa vie, néanmoins bien plus claire que l'existence de Scarlet Cheetah avant et après sa rencontre avec Kaël Kagel - elle avait pour habitude de laisser l'un de ces inconnus de sexe masculin tenter de lui faire du mal avant de le faire taire pour toujours.

Tuer un innocent ne la répugnait pas à cent pour cent - il fallait bien qu'elle mange - mais à choisir entre un simple passant et un potentiel violeur... Déa faisait systématiquement en sorte d'avoir à tuer une personne appartenant à cette seconde catégorie.

Les mains vides, ne sachant même plus où ses affaires se trouvaient, elle se fit la réflexion qu'avec un peu de chance, sa prochaine proie aurait sur elle de quoi subvenir à ses besoins matériels.

Sinon, elle entrerait par effraction dans une chambre d'hôtel, ou bien un appartement ou une maison et s'arrangerait alors pour se doucher, se laver les dents, s'habiller... Pour l'heure, elle était dans l'obligation de se faire violence.

Il était hors de question qu'Axelle la quitte, d'autant plus pour une raison aussi stupide. En plus à cause d'ogres ou de zombies, ces êtres inférieurs visiblement incapables de chasser efficacement par eux-mêmes.

Déa arpentait donc le trottoir. Aucun homme ne l'aborda, pourtant le nombre d'entre eux qui rentraient très tard du bureau ou d'un bar n'était pas à négliger.

Elle faillit presque croire que pour un individu de sexe féminin, elle avait de la chance. Ou bien que les hommes d'Orlando étaient visiblement plus respectables que ceux de Miami - la chasse était toujours rapide à cet endroit-là.

C'est alors qu'elle le remarqua. D'abord, elle ne vit qu'une silhouette vêtue d'un long manteau de commissaire, surplombée d'un chapeau haut-de-forme.

Puis l'homme releva doucement sa tête, et Déa s'aperçut ensuite qu'il portait une cagoule remontée jusqu'au sommet du nez, au-dessus duquel une épaisse paire de lunettes aux verres noirs et opaques ne laissaient aucun doute quant à une évidente volonté d'être camouflé.

Comme à chaque chasse, la jeune femme se mit à trembler d'excitation. L'idée de se battre, de se défouler, de détendre ses nerfs sur ce genre de déchets de la société lui faisait un bien fou, indicible, indéfinissable.

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