Vantablack

Mirage ~ Chapitre 2

Ésus aurait hurlé de terreur s'il n'aurait pas été proche de la limite de ses capacités pulmonaires comme musculaires.

La soif lui asséchait la bouche et la gorge, ce qui était un comble au vu de la quantité d'eau - bien qu'imbuvable - présente dans ces marécages.

Le jeune étudiant ne pouvait que projeter ses cuisses fermes aux muscles saillants vers l'avant encore et encore.

Espérant que les trois reptiles repèrent une autre proie - si possible pas humaine - ou bien que quelqu'un vienne le sauver.

Effectivement, Ésus comme à son habitude se sentait comme bloqué dans son rêve. Impossible d'en sortir, et le pire était qu'il savait nettement qu'elle serait l'issue la plus probable pouvant mettre fin à son cauchemar.

Par hasard, il avait découvert qu'il était impossible de se voir mourir en rêve. Habitué aux cauchemars, il savait qu'hormis au-delà d'une certaine durée, seul un événement en temps normal - survenant dans le monde réel - mortel le tirerait de là.

Un éclair de terreur et de lucidité jaillit soudain dans son esprit. S'il accélérait la fin de ce mauvais rêve, s'il se jetait dans la gueule de ces prédateurs...

Non, c'était bien trop horrible. Le simple bruit de leurs courtes pattes transportant leur corps massif suffisait à l'emplir d'effroi.

Oui, la situation était dramatique et ce cauchemar abominable, mais il ne fallait pas oublier un détail de taille : lucide ou pas, il se trouvait là au sein même de l'un des multiples univers imaginaires créés chaque nuit par son cerveau.

Son inconscient avait visiblement décidé de le placer dans les Everglades, où trois crocodiliens le poursuivaient. Néanmoins, rien n'empêchait son esprit de modifier ce film d'horreur, voire tout simplement de l'éjecter dans un autre rêve.

Grâce à l'adrénaline, les contractions de ses muscles s'avéraient désormais indolores, tout comme les brûlures qu'il aurait dû en temps normal ressentir dans sa cage thoracique.

Cependant, il observa avec horreur qu'au loin, à plusieurs centaines de mètres à peine, la terre ferme cédait sa place à une vaste étendue faite uniquement d'eau verdâtre.

Ésus était perdu. Dans ces marais, nul doute que d'autres alligators potentiellement accompagnés de crocodiles l'attendaient.

Que faire ? Retourner en arrière et mettre fin à ce temps d'éveil aux allures de Jurassic Park en affrontant le pire scénario envisageable ou bien tenter sa chance en courant vers ces eaux en espérant que son cerveau le tire d'ici entre-temps ?

Le dilemme était atroce, insupportable.

Finalement, Ésus n'eut pas besoin de choisir. Alors qu'il se trouvait tout proche des eaux profondes qui, comme comme il l'avait si bien présagé, laissaient entrevoir la tête rectangulaire d'une poignée de reptiles carnivores, l'étudiant en sciences politiques sentit soudain une morsure soudaine et effroyablement douloureuse dans son mollet gauche.

En plein dans le muscle. Le jeune homme stoppa net sa course, hurla de toutes ses forces, implora Dieu et l'Univers de l'épargner.

Le sang coulait à flots, la douleur était lancinante et bientôt les deux comparses de l'agresseur rejoignirent sa prise.

Celle-ci succomba quelques instants plus tôt, ayant par malheur confondu un rêve lucide avec une crise de somnambulisme...