Le galop des cheveux cessa quand la pause fut enfin accordée. La première personne à mettre pied à terre fut Terpsis qui était au comble de la souffrance. Elle confia sa monture à un soldat avant de s'éloigner, le souffle court, pour rejoindre une fontaine et boire son eau. Aussitôt, Aédone l'imita, inquiète et vint se mettre à côté d'elle.
- Je vais bien, dit-elle en devinant sa question.
- C'est faux. Plus je te vois et plus je sais que ça ne va pas. Quand leur diras-tu la vérité ?
Terpsis soupira et se détourna de sa compagne pour s'enfoncer un moment dans le bois. Elle sentit la bile monter jusqu'à sa bouche sans pouvoir l'arrêter. Elle eut tout juste le temps de s'éloigner des autres pour vomir, Aédone derrière elle, une main posée sur son dos. L'ancienne intendante était affolée en la voyant dans cet état qui durait depuis si longtemps. Doucement, elle la voyait s'affaiblir, devenir maigre et si pâle. C'était une torture sans nom pour elle, d'autant plus que Terpsis ne voulait rien dire à personne de son état. Pour ne pas les inquiéter.
- Mère ?
Elles sursautèrent en entendant la voix de Clelia qui les cherchait. Sans tarder, Terpsis essuya sa bouche et s'éloigne de l'endroit où elle venait de vomir. Elle vint à la rencontre de sa fille, avec un masque parfait pour ne pas trahir ce qu'il venait d'arriver.
- Tout va bien ? questionna-t-elle en remarquant son teint pâle.
- J'ai passé une mauvaise nuit, assura l'ancienne reine. Aucune inquiétude. Que me veux-tu ?
- Nous approchons bientôt Delphes et je sais que je manquerai de temps pour enseigner la politique à mes enfants. C'est pour cela que je voulais te proposer de suppléer cette tâche avec moi, surtout pour le mois qui approche. J'aurai beaucoup à faire entre le temple et les personnes qui viendront pour entendre la Pythie. Et puis avec certains invités qui profiteront de notre hospitalité pour le reste du mois, il me faudra les veiller. Tu comprends, n'est-ce pas ?
- Bien sûr, je ne refuserai jamais cela. Tu peux être tranquille.
- Je m'en réjouis. Tu viens, nous sommes en train de nous restaurés. Nous devrions arriver à Delphes dans quelques heures, tout au plus. Sinon, nous rentrerons de nuit.
- Je saurai m'en accommoder.
Clelia hocha la tête avant de marcher en sa compagnie pour se restaurer. Terpsis sentit sur elle le regard plein de colère de sa compagne mais préféra l'ignorer. Elle estimait qu'il y avait encore assez de temps devant elle. Et puis d'un autre côté, elle refusait d'admettre que bientôt, tout se finirait. Elle niait encore cette simple idée malgré les insistances d'Aédone pour le leur dire.
- Grand-mère !
Terpsis sursauta alors qu'elle voyait bondir vers elle Desdémone, souriante. Elle sourit à sa petite-fille tout en l'observant. Elle vint se cramponner à son bras, joyeuse. Cela réjouissait l'ancienne reine de voir la petite fille gagner doucement en gaité malgré les tragédies traversées. Elle savait aussi ce qui c'était passé à Cyzique et de l'amnésie qui l'avait frappée, mais à son âge, elle oublierait tout et pourrait se reconstruire à Delphes, sa deuxième patrie.
- Mère m'a dit que j'aurai mon propre cheval très bientôt ! Leucippe a sailli une jument et le poulain qui naîtra sera pour moi ! Je suis tellement contente ! Et en plus, Troie était réputée pour les excellents chevaux qu'on dressait !
- Les Amazones aussi sont de bonnes dresseuses. Tu réussiras, j'en suis certaine. Avec le sang qui tu as, je n'ai aucun doute.
Elle hocha la tête avant de marcher vers Tharros. Terpsis s'installa sur une pierre, près de sa fille et se força à manger un peu, pour faire plaisir à Aédone et éviter que les autres ne devinent ce qu'elle avait. C'était la meilleure chose à faire pour éviter d'éveiller les soupçons et aussi de miner davantage le moral de Clelia, déjà au plus bas depuis la mort de son troisième époux.
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De Delphes toute puissante
Historical FictionGrèce antique. Les grandes cités de Grèce se disputent une cité en particulier, gouvernée de façon particulière : des femmes sont à la tête, puissantes et indépendantes, aimées et respectées par leur peuple, prêtresses et médecins, guerrières et str...