Les nombreux entretiens que Clelia avait mené en privé n'avaient presque servi à rien. Elle qui s'attendait à ce qu'on rejette la faute sur l'autre, elle eut la surprise de constater rien de tout cela. Rien qu'un silence lourd et pesant. Elle avait tout tenté pour obtenir des aveux, dans l'espoir que les langues se délieraient et lâcheraient une information importante. Elle se heurtait à la place à l'opiniâtreté de chacun. Thysié ne s'était contentée que d'éluder chaque question, la voix atone. Sophia avait fixé ses pieds, étonnement silencieuse, à l'image de son jumeau et Desdémone. Quant à Oreste et son ami Pylade, fils d'un seigneur de Phocide et son cousin, ils avaient paru agité. La nuit, Clelia entendait depuis sa chambre les agitations d'Oreste, en proie aux cauchemars. Et lors de ses nuits agitées, il hurlait la pitié des divines vengeresses, les Erynnies. Si troublant...
Clelia écouta d'une oreille distraite le conseiller qui parlait. Elle avait maintenu sa décision et les séances avaient lieu désormais dans la villa d'Éléos, un des nombreux héritages laisser aux jumeaux, en plus des mines d'argent, de fer, et les nombreux troupeaux de moutons, chèvres, vaches et taureaux. Un héritage à laquelle Clelia veillait en attendant que les jumeaux soient en âge de disposer de leurs biens.
- Le peuple trouve que les mesures appliquées par notre reine bien-aimée sont trop dures et trop sévères. Certains dorment dehors alors qu'ils vivent ici et n'ont plus de toit, tenta un conseiller d'une voix mielleuse.
- Le peuple saura s'adapter à ses restrictions. De plus, ce n'est pas comme s'il ne manquait pas d'auberges et de maisons de plaisir dans les villages, ceux qui n'ont pas eu le temps de regagner à temps la cité trouveront bien un toit, moyennant finances, répondit Clelia en foudroyant du regard son conseiller. Je ne reviendrai pas sur ma décision, les restrictions seront maintenues jusqu'à ce que je juge, et avec votre assentiment, que nous pouvons prendre le risque d'ouvrir les portes.
- Et quand aura lieu le jugement des principaux coupables ?
- Quand j'aurai la certitude de la culpabilité du meurtrier.
Sa voix était ferme et froide, elle n'invitait plus personne à parler et obligeait au silence. Personne ne cherchait à rencontrer son regard pour éviter de s'attirer ses foudres.
- Je pense que tout a été dit, je tiendrai au courant de l'avancée des investigations dès demain. La séance est levée.
Les conseillers se levèrent et quittèrent la salle de banquet improvisée en salle de conseil. Ils s'inclinèrent devant Clelia avant de s'en aller. Seul Pistos demeura dans la salle, pour prendre les habituels nouvelles de son épouse.
- Elle va bien, elle passe ses journées à ses recherches et elle semble bien plus reposée sans ses fils.
- C'est lourd et pesant, Clelia, lui reprocha-t-il. Sur tout le monde sans exception. Accepte au moins de rouvrir les portes pour ceux qui vivent ici, une rapide enquête de voisinage permettra de savoir si la personne vit bien là où elle prétend...
- Je vais finir par croire que vous êtes tous sourds d'oreille ici ! Qu'est-ce vous ne comprenez pas dans mes ordres ? Ils sont pourtant assez clairs, non ?
Elle se tut quand elle vit un soldat se présenter à elle. D'un geste de la main, elle l'invita à parler, agacée et à bout de nerf. Cette situation pesait aussi sur elle et les plaintes commençaient à la lasser.
- Que veux-tu ?
- Je suis chargé à la surveillance des portes, ma reine, et des étrangers, visiblement très puissants sont là et demandent à entrer.
- J'ai dit que personne ne rentrera ici, et je ne ferai pas d'exception, même à un puissant seigneur...
- Pardonne-moi, ma reine, mais ce seigneur dit qu'il est l'héritier de son roi, Néoptolème d'Épire. Il te prie de le laisser entrer pour qu'il puisse récupérer son corps ainsi que connaître le nom du coupable lors de ton jugement.
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De Delphes toute puissante
Historical FictionGrèce antique. Les grandes cités de Grèce se disputent une cité en particulier, gouvernée de façon particulière : des femmes sont à la tête, puissantes et indépendantes, aimées et respectées par leur peuple, prêtresses et médecins, guerrières et str...