- Le chat ! Le chat ! s'exclama Desdémone en pointant son doigt vers l'animal.
Elle courut jusqu'à son père et attrapa le bas de son chiton pour le guider. Les soldats regardaient la petite fille se déplaçait avec agilité, passant entre les lances, comme une ombre furtive. Malgré ses petites jambes, son père avait du mal à la suivre par moment. Desdémone débordait d'énergie, jamais on ne la voyait sagement assise, et obéir aux ordres. Elle rejetait les poupées qu'on lui offrait et préférait prendre le glaive de bois d'Astyanax pour se battre contre Ascagne. La petite fille de trois ans ne restait jamais avec ses tantes dans le gynécée, on la voyait dans les écuries où elle pouvait passer des heures à contempler les chevaux, dans la grande salle, le soir après les combats pour écouter les récits avec émerveillement.
Le comportement de Desdémone sortait de l'ordinaire, notamment pour sa fascination pour les armes. Mais rapidement, Déiphobe avait deviné qu'avec l'ascendance et le sang qui coulait dans ses veines, il serait impossible de faire d'elle une jeune fille exemplaire. Par moment, il surprenait une grimace sur son visage rond quand sa grand-mère lui parlait de tissage mais un grand sourire quand elle tenait entre ses mains un arc. Bien évidemment, ce comportement plaisait énormément à sa mère qui voyait d'ores et déjà un grand avenir militaire à la dernière de ses filles. Déiphobe, lui, était plus réticent sur cette idée que son épouse. Il envisageait mal sa fille une arme entre les mains et combattre. Elle était d'abord trop précieuse à ses yeux, elle était sa fierté et il ne pouvait prendre le risque de la perdre au cours d'une guerre. C'était pour lui tout simplement impossible. Maintenant qu'il était père, il comprenait les craintes qui emplissaient le sien quand il se rendait sur le champ de bataille. Il risquait la mort à tout moment et pouvait risquer de ne pas voir grandir sa fille, de ne pas vieillir aux côtés de son épouse et de ne pas être là pour sa famille,
Et puis une fille de Troie ne manie pas les armes. Ses sœurs le savaient, et elles étaient toujours restées à leur place. Mais ce n'était pas l'avis de Clelia, qui soutenait qu'une fille de Delphes avait les mêmes capacités qu'un homme. Mais sur cette opinion, la jeune femme ne recevait aucun soutien, malgré les années passées ici et les amitiés qu'elle avait pu se faire.
- J'ai vu, Desdémone. Cesse de t'agiter, tu risques de tomber.
Le prince s'entretint avec les soldats en veillant attentivement sur sa fille. Elle regardait avec fascination le chat qui somnolait sur le mur, indifférente au vide. Mais heureusement, elle était trop petite pour passer de l'autre côté et tous avait les yeux rivés sur l'enfant de la paix. Il écouta à peine le soldat, il se contenta des informations les plus importantes avant de le remercier. Il rejoignit Desdémone qui caressait le pelage roux du félin et qui ronronnait.
Quand elle sentit sa présence, la petite fille se tourna et plongea ses yeux ambrés dans ceux de son père, comme une suppliante. Déiphobe connaissait trop bien ce regard, elle l'utilisait pour obtenir ce qu'elle désirait dans la seconde. Ni Lara, pourtant ferme avec les fils d'Hector et Énée, ses tantes, ses grand-parents et encore moins Clelia ne savaient y résister. La chaleur dorée dans ses prunelles, si envoûtantes, avait le don de tout faire céder. Mais à ce jeu-là, Déiphobe ne se laissait pas faire, il connaissait lui aussi cette méthode qui lui avait énormément servi plus jeune, quand il avait ses joues rondes et cet air innocent et pur sur le visage. Plus d'une fois, cela avait marché, tous y avait cédé. Puis plus tard, à l'âge viril, il avait utilisé ce regard pour séduire les femmes et les mettre dans son lit. Et elles étaient nombreuses à avoir partagé sa couche. La dernière en date était Lara, et puis il y avait eu Clelia.
- Il est beau, il est beau ! N'est-ce pas, père ?
- En effet, mais tu ne la ramèneras avec toi, la prévint-il. Tu dois la laisser tranquille, elle attend des chatons.
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De Delphes toute puissante
Fiksi SejarahGrèce antique. Les grandes cités de Grèce se disputent une cité en particulier, gouvernée de façon particulière : des femmes sont à la tête, puissantes et indépendantes, aimées et respectées par leur peuple, prêtresses et médecins, guerrières et str...