Chapitre 118 : Terribles vérités

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La pire soirée de leur vie. De loin, et après toutes celles vécues avant, elle était la plus mémorable, mais pour les mauvaises raisons.

Jusqu'à maintenant, Clelia pensait que celles de la mort de Xiphos, d'Éléos puis de Déiphobe en faisaient partie. Du moins, elle l'avait cru jusqu'à ce qu'elle apprenne la grossesse de sa fille. Un cauchemar qui était en train de se mettre en route. L'amant de l'homme qui avait assassiné son époux avait engrossé leur fille. Sophia portait l'enfant de l'amant de l'homme qui avait assassiné son père. Ironiquement, elle songea que son histoire figurerait certainement dans les années à venir dans les grandes tragédies, pour apprendre aux autres patriarches ou matriarches à se fier de gendres et brus au passé incertain. À côté, il valait mieux apprendre une grossesse de l'ambitieuse Métis qui avait au moins le mérite d'avoir un passé connu de tous et de ne pas être en lien avec une personne morte dans la famille de son époux.

Cette soirée était d'autant plus pire quand Pistos et Thysié l'avaient pris à part pour lui parler de Loïmos qui s'occupait jusqu'à maintenant avec leur autorisation l'éducation de leurs fils et de ce que leur aîné leur avait révélé peu après le retour du prince du sud. Un cauchemar sans fin qui se répétait.

- Par Apollon, mère, dis quelque chose, supplia Tharros qui la voyait s'enfermer dans son mutisme depuis le départ de la villa.

Elle regarda ses yeux azurs suppliants et inquiets. Elle passa à Andrios qui était bras croisés et silencieux, à l'image de Timia qui se taisait depuis qu'ils étaient revenus au palais. Ce cauchemar ne prendrait pas fin avant longtemps, elle venait de perdre le moyen de se débarrasser de cette personne gênante qu'était son gendre. Elle ne pouvait plus rien faire, il avait habilement retourné le conseil contre elle, elle ne pouvait plus agir sans prendre le risque de se retrouver en guerre ouverte contre ces vieillards manipulables. Ils étaient pire que son propre père influençable par les cajoleries de sa maîtresse. Ils étaient aussi faibles que lui.

- Je vais changer l'ordre de succession et je vais accélérer les recherches pour retrouver Desdémone. Elle a commis sa première erreur, et on l'a signalé récemment à Ithaque et Cnossos, elle ne pourra plus se cacher longtemps. Si l'enfant naît en bonne santé, il ne sera pas deuxième dans l'ordre de succession, Desdémone conservera sa place. Car si le but de Loïmos est de s'accaparer le trône d'une façon ou d'une autre, il cherchera à tuer Sophia et il aurait ce qu'il voudra puisqu'il occupera la régence en attendant que l'enfant soit en âge de régner. D'ici là, il aura eu le temps de faire ce qu'il veut. Mais si Desdémone revient, elle sera la barrière et mettra un terme à ses ambitions. Loïmos sera bloqué et il ne pourra jamais l'épouser sans le consentement d'Hélénos qui préférera son fils comme époux pour elle. Pour une fois, cet imbécile me sert à quelque chose.

- D'accord, mais dans ce cas, si entre temps l'enfant naît et que Desdémone demeure introuvable, qui bloquera l'accès au trône pour Loïmos ? demanda Andrios en plissant les sourcils.

- Tharros sera obligé de reprendre la place qu'il avait laissé. Et si tu continues à la refuser, alors tu seras le prochain, de même pour l'enfant qui naîtra de ton épouse. Tu restes prince de Delphes et l'enfant le sera aussi, ainsi que candidat potentiel. Enfin, si aucun de vous deux ne peut accéder au trône, je nommerai les fils de Pistos et Thysié héritiers. L'autre choix qui me reste est de tuer Loïmos et je crois que c'est toujours mieux de le supprimer.

- Le peuple sera furieux, le conseil et la noblesse aussi, contesta Timia en l'entendant. Tu vas finir impopulaire.

- Je me moque de comment je finirai et de ce qu'ils en penseront. J'aurai préféré être morte à Troie plutôt que savoir que ma fille est enceinte de ce monstre et qu'à ma mort il posera son répugnant derrière sur le trône d'Onchos. J'hésite sincèrement entre déclarer la guerre à un de nos voisins pour envoyer Loïmos en première ligne ou l'empoisonner. Sinon, la dague dans le cœur est aussi une option intéressante mais salissante. Mais au moins, je serai certaine qu'il ne vit plus.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant