Chapitre 11 : Les craintes

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Trois jours plus tard, la pluie ne cessa pas. Pire encore, celle-ci redoubla de force. Cette pluie inhabituelle suscita l'inquiétude quand à l'avenir des récoltes et la crainte d'une famine pour l'hiver à venir. Les habitants pensaient que les dieux les avaient abandonnés à leur sort ou qu'un acte d'impiété avait été commis. Terpsis, en tant que grande prêtresse, avait ordonné un nombre incalculable de sacrifices pour apaiser les dieux mais rien n'y fit, la pluie continuait.

Les nouvelles venant de la Grèce laissait croire que Delphes perdait en puissance. Terpsis en écumait de rage et voyait d'un mauvais œil ces invités surprises qui semblaient profiter de la situation. Elle se méfiait davantage d'Ulysse, craignant tomber dans un piège. Grâce à l'aide d'Aédone, des espions avaient été placés à leurs côtés et ceux-ci rapportaient tout à leur souveraine et traitait les informations. Ce qu'il en ressortait de tout ceci était une joie remarquablement bien dissimulée par Ulysse et Hégémon. Terpsis, qui au début refusait de leur donner l'accès aux prédictions de la Pythie avait fini par accepter en serrant du poing, furieuse d'être ainsi contrainte et démunie, croyant presque être réellement abandonnée par les dieux.

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Lasse, Clelia ceignit son diadème et chercha son voile blanc. Elle entoura avec son cou et ses cheveux tout en les laissant voir légèrement. Elle jeta un dernier regard au miroir de bronze pour s'assurer que tout était parfait puis malgré elle, elle poussa un soupir à fendre l'âme. Depuis ce monologue effrayant dans le temple d'Apollon, elle ne semblait plus être elle-même. Elle avait l'impression de n'être qu'un simple corps dépourvu de tout sentiment. Ces étranges phénomènes dans le temple l'obsédaient et elle avait beau essayé de chercher le pourquoi, aucune réponse n'en lui venait. Ses nuits en avaient souffert, notamment de cauchemars qui n'en finissaient plus, et le matin, elle se trouvait avec une mine épouvantable. L'appétit l'avait également quitté, ne trouvant plus rien de satisfaisant. Elle avait pourtant dissimulé tout cela afin de ne pas éveiller l'étonnement. Heureusement pour elle, ses parents et les esclaves étaient trop occupés ailleurs.

Clelia quitta sa chambre et attendit dans le vestibule, près de la porte de bronze les deux invités. Terpsis était partie plus tôt, comme à son habitude afin de préparer la Pythie. La grande prêtresse lui avait donné l'ordre de conduire Hégémon et Ulysse jusqu'au temple. La jeune fille s'était résignée. Après ce qu'elle avait vécu, elle n'avait aucune envie de retourner au temple et rien que l'idée d'y mettre un pied la faisait frissonner. Mais elle devait se plier à son devoir de prêtresse et c'était non sans appréhension qu'elle attendit les deux hommes. Ils tardèrent à venir rejoindre la jeune fille qui, à cause de son humeur, n'avait guère plus de patience. Elle se retint de courir jusqu'aux appartements qui leurs avaient distribué pour tambouriner à leurs portes.

Elle tenta de s'apaiser en marchant un peu mais elle avait toujours ce pressentiment qui ne la quittait plus. Des bouffées de chaleur la prenaient par moment, entrecoupé par des frissons.

- Mais par tous les dieux, que m'arrive-t-il ? pesta la jeune fille.

- Princesse ?

Elle sursauta et reconnut dans la pénombre Hégémon de Thèbes. Elle cessa immédiatement ses pas et lui fit face. Le roi, malgré la fatigue qu'il n'arrivait pas à dissimuler, fixa la jeune fille et sa tenue. Il sembla se perdre dans sa contemplation et la jeune fille, furieuse d'être aussitôt oubliée comme à chaque fois, le ramena sur terre en claquant sèchement sa langue contre son palais.

- Prêtresse, corrigea-t-elle d'une voix sèche. Par Apollon, tu en mets du temps ! Que fait le prince d'Ithaque ?

- Il arrive.

Il bailla à s'en décrocher les mâchoires puis s'adossa nonchalamment contre les colonnes du vestibule. De là où elle se tenait, Clelia eut tout le loisir d'observer l'homme. Il ne devait pas avoir plus de vingt ans, les cheveux de jais et des prunelles grises allant dans le bleu. Il était aussi pourvu d'un visage aux traits rieurs et d'une grande taille. Clelia se souvint que quelques mois plus tôt, Hégémon de Thèbes dominait tous les hommes alors présents, dépassant ainsi certains comme son propre père et même Pistos, déjà immense pour elle.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant