La nuit était tombée depuis longtemps et la grande salle était déjà investie par les invités. Devant la porte de la chambre de Sophia, Tharros s'impatientait et tournait en rond alors que son frère restait serein. Andrios l'entendait pester entre ses dents et maugréer par la même occasion. Desdémone arriva, parée et presque autant maquillée que leur sœur. Contrairement aux autres femmes invitées, la jeune fille portait un voile de soie brodée accroché à sa coiffure et descendant jusqu'à ses reins. Andrios siffla en la voyant ainsi parée avant de rire.
- Un peu plus et je ne t'aurais pas reconnu ! C'est rare de te voir autant maquiller, tu détestes ça d'habitude. Et ce voile, personne ne le porte comme ça ici.
- C'est Timia qui a insisté pour que je sois maquillée plus que d'habitude. Pour les bijoux, je n'ai pas vraiment eu le choix, mère m'a prêté les siens. Et le voile, c'était la mode à Troie, les femmes nobles adorent le porter ainsi. Plus il est brodé et plus le rang et la richesse sont importants. Je suis maintenant en âge de le porter et j'y tiens. Mais c'est terriblement lourd et encombrant, ça pèse un âne mort tout ça.
- Tu n'as pas encore mis de cuirasse, toi, souligna-t-il avec un léger sourire. Tu verras après que ton chiton et tes bijoux sont plus agréables à porter qu'une cuirasse.
Desdémone haussa les épaules négligemment et s'adossa au mur. Elle regarda Tharros qui continuait à faire les cent pas et marmonnant quelque chose entre ses dents. Sophia tardait beaucoup trop à se préparer et leur frère était très irritable ces derniers temps. Il éructait encore contre l'homme qui allait être son beau-frère.
- Sophia n'est toujours pas prête ? interrogea leur mère qui sortait de ses appartements.
- Toujours pas, répondit Desdémone.
Clelia pinça des lèvres et comme ses enfants, prit son mal en patience. À l'image de son fils, elle n'était pas ravie d'assister à ses noces, et si son devoir ne la contraignait pas, elle n'y serait pas. Mais ils devaient se faire violence et accepter ces événements, à contrecœur toutefois.
- Par les dieux, elle n'a pas fini ? s'écria Euterpe en venant. Le marié est déjà là et les invités se demandent ce que fait Sophia.
- Sinon, il y a plus simple, ma tante : nous annulons ce mariage et plus aucun problème ne se posera pour nous, suggéra Tharros. Pas d'infamie, mon idiote de sœur ne jettera pas l'opprobre sur notre famille en se mariant avec un misérable et Delphes est sauve. Qu'en dis-tu, mère ?
Elle se contenta de soupirer et approcha de la porte pour frapper quelques coups, suffisamment fort pour être entendu. Alopex cria pour demander d'attendre encore. Tharros s'arrêta alors et se tourna vers Desdémone.
- Tu vas à la taverne ce soir ? J'ai besoin d'oublier cette soirée maudite, et tu pourrais m'accompagner.
- Vraiment ? s'étonna sa sœur. C'est la première fois que tu demandes une telle chose, mais si tu proposes, j'accepte avec grand plaisir. Tu as vraiment une tête de déterré, ça te fera du bien de boire un peu.
Un sifflement réprobateur retentit, venant d'Euterpe. Desdémone haussa les épaules avant de soupirer, agacée d'attendre. Leur mère perdit elle aussi patience et frappa la porte pour obliger Sophia à terminer de se vêtir. Finalement, elle sortit enfin, parée d'un chiton de soie orange brodé, l'or et l'argent cliquetant à chacun de ses mouvements. Comme à son habitude, elle était maquillée et sur sa tête, son voile de mariée était retenue par une couronne de lierre enrubannée. Andrios eut un nouveau sifflement alors qu'un rictus étirait les lèvres de Tharros.
- Tu ressembles à un pot de peinture.
Un ricanement venant de leur plus jeune sœur fit perdre le sourire à Sophia qui la foudroya du regard avant de se tourner vers son jumeau, le responsable de cette hilarité.
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De Delphes toute puissante
Ficción históricaGrèce antique. Les grandes cités de Grèce se disputent une cité en particulier, gouvernée de façon particulière : des femmes sont à la tête, puissantes et indépendantes, aimées et respectées par leur peuple, prêtresses et médecins, guerrières et str...