Chapitre 2 : Dignité

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L'absence de Terpsis et de Xiphos ouvrit les hostilités entre Délia qui accusait ouvertement devant le gynécée la reine d'être la responsable de sa fausse-couche en lui faisant absorber du poison et entre Aédone qui défendait sa reine avec l'appuie du conseil qui trouvait cette accusation sans fondement. Voyant qu'elle perdait les miettes de pouvoir durement acquises, Délia s'en prit à Clelia lorsqu'elle était certaine, bien évidemment, que la princesse n'était pas en présence de soldats, de ses précepteurs, des prêtres et même d'Aédone.

Elle s'en donna à cœur joie, la bousculant, la giflant pour la moindre broutille. Délia en tirait une puissance que Terpsis s'évertuait à taire et dont elle se méfiait. Mais la reine n'était pas là et la ressemblance de Clelia avec sa mère rappelait à l'esclave l'enfant perdu et dont elle avait espéré le trône de la cité.

Du haut de l'Olympe, je voyais Clelia encaisser avec dignité les insultes de Délia et le calme pareil aux dieux dont elle faisait preuve. J'étais admirative pour la princesse et aussi emplie de colère contre cette intrigante. Elle se comportait comme une lâche et lorsqu'elle voyait Aédone ou alors les précepteurs de la fille de Terpsis venir, elle courait se cacher pour ne pas subir le courroux de la reine, se croyant trop maline pour cela.

Ne supportant plus la situation, je priais alors Morphée* lors du sommeil de la reine de lui faire prendre conscience de la situation de sa fille et quand Hélios* le chassa, Terpsis ne réagit pas immédiatement mais attendit la fin de la guerre, envahit d'une haine implacable.

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Entre ses jeux avec Pistos*, le fils d'un des frères de Xiphos et avec Timia*, la fille d'Aédone, Clelia partageait son temps quand elle n'était avec ses précepteurs ou avec les prêtres d'Apollon. Auprès de son cousin elle tirait à l'arc avec une précision redoutable. Le maître d'arme qui veillait à son apprentissage décida de passer à des animaux pour davantage la familiariser aux cibles mouvantes.

  Et lorsqu'elle n'était pas au gynécée, elle s'occupait de la Pythie quand personne ne venait entendre de sa bouche le destin dicté par les dieux. Clelia accordait son temps pour elle et la menait à l'extérieur pour lui faire prendre de l'air.

— Comment te sens-tu ? interrogea-t-elle en arrivant, dans un chiton entièrement blanc et avec un voile de la même couleur posé sur ses cheveux.

— J'ai faim et soif, lui répondit la Pythie, encore prise par les vapeurs qu'elle respirait pour rendre les oracles.

Les prêtres ne prêtaient nul attention à la Pythie qui était la voix des dieux. Ils étaient oublieux de son utilité et quand on ne faisait pas appel à elle, on l'occultait des mémoires avant que la grande prêtresse ne la fasse chercher pour l'apprêter et l'installer sur le trépied, au-dessus des vapeurs qui s'échappaient d'une fissure du sol.

— Dehors, il fait clair et tu verras comme le soleil est beau. Il y a aussi un couple de tourterelles qui vivent dans le laurier. Il faut que tu les vois.

Clelia ne la quittait pas et restait accrochait à la devineresse. Elle prenait son temps et s'assit avec elle sur le banc. Avant de venir au temple, elle avait pris des cuisines du palais des gâteaux au miel, du pain et du fromage ainsi une outre d'eau fraîche. Elle la laissa goûter tranquillement les mets et l'eau et alla pendant ce temps cueillir des herbes afin de remédier à la maigreur inquiétante de la Pythie.

— Tu devrais arrêter de te priver ainsi de nourriture, fit remarquer la princesse en posant les herbes sur le banc de marbre. Je n'aime pas te voir rester dans l'ombre et tu as besoin de repos.

— Je ne le peux, fit remarquer la Pythie d'un triste sourire. 

— J'en parlerai à ma mère, elle fera une remontrance aux prêtres pour avoir oser te laisser dans un tel état.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant