Chapitre 29 : « J'ai perdu mon Eurydice »

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Dans la nuit, les cigales et quelques bêtes comme des loups se faisaient entendre en Thrace. Le ciel était sans nuage et la lune pleine. Elle renvoyait sur la terre ses rayons pâles, mais aussi sur deux corps enchevêtrer par l'amour. En plus des bruits animaux, les gémissements emplissaient l'air. Mais les deux amants n'en avaient que faire.

Assise sur le rebord d'une fontaine, Clelia luttait pour ne tomber dans l'eau et se cramponnait fermement aux épaules d'Éléos. Pourtant, lui aussi la tenait fermement.

- Laisse-toi faire, souffla-t-il à son oreille, je te tiens.

Elle le crut. De toute façon, à chaque vague de plaisir, elle perdait pied et elle ne pouvait bientôt plus lutter. Autant céder. C'est ce qu'elle fit. Elle rejeta sa tête en arrière alors qu'il embrassait son cou. Elle en devenait presque folle et en perdait la tête. Pour un peu, chaque coup de rein lui faisait oublier jusqu'à son propre nom.

Elle avait chaud et froid en même temps et son souffle devenait court. Les vagues se faisaient plus puissantes avant de l'emporter d'un cri qu'elle étouffa comme elle put. Quelques secondes plus tard, il se crispa et poussa un grognement. 

Elle reprit conscience en glissant sur l'herbe, reprenant son souffle comme pouvait. D'une main tremblante, elle dégagea ses cheveux d'un côté et laissa le vent léger souffler avant de s'adosser au muret.

Pourtant, sans attendre, elle se drapa dans sa couverture et préleva un peu d'eau pour faire sa toilette. Elle ne fit pas attention à Éléos qui l'observait faire. Elle prit le bout de tissu imbibé de vin qu'elle avait mit en elle et le lava avant de procéder au reste du corps.

Clelia termina et s'installa sur la natte de roseau, auprès de son amant. Il lui tendit l'outre de vin et but. Étrangement, le regard bleuté de l'éphèbe était dérangeant. Il ne l'observait pas amoureusement, loin de là, mais comme s'il cherchait à savoir quelque chose.

La jeune fille reposa bien vite l'outre et se lova dans ses bras avant de pousser un soupir d'aise. Elle remonta sur leurs corps nus la couverture et posa sa tête sur son épaule. Pourtant, Éléos repoussa la couverture pour dénuder le sein droit. Il passa un doigt sur la cicatrice. Sur le moment, Clelia en frissonna de plaisir, mais il semblait si étrange...

- Comment te l'es-tu faite ? s'informa-t-il sans quitter de vue la cicatrice.

- Je ne sais pas, peut-être quand j'étais enfant, à cause d'un accident, mentit-elle.

Elle se sentait gênée. La voix de l'éphèbe d'ordinaire agréable était désormais froide et calculatrice. Un nouveau frisson la traversa, mais cette fois-ci d'appréhension et d'angoisse.

- Comment était ton séjour chez les Amazones ? Ces sauvages ne vous ont rien fait ?

Là, une boule se noua dans son ventre. Elle se fit violence pour ne pas le repousser et prendre ses jambes à son cou. Mais elle devait répondre pour écarter ses soupçons.

- Non, elles ont été aimables avec nous, elles ne nous ont rien fait. Ma mère a fait un détour simplement pour les prier de cesser leurs embuscades. De toute façon, elle a donné le même ordre ici.

Le baiser qu'il posa sur le même sein la fit frémir. Mais pas comme à son habitude. Plus les secondes s'écoulaient, plus sa boule dans son ventre se serrait davantage.

- On dit que les Amazones se coupent justement le sein droit, pour mieux tirer à l'arc. Mais c'est faux, n'est-ce pas ? Tu es bien placée pour le savoir, Clelia.

Ce n'était même pas une question, mais une affirmation. Elle dut cacher ses mains sous la couverture pour éviter qu'il ne les voit trembler.

- Et puis ton hôte avait dit qu'elles sont capables de tirer leurs flèches tout en laissant leurs chevaux galoper. Un peu comme toi lorsqu'Ulysse a assailli Delphes, avec ces hommes dans ce village.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant