La flamme qui brûlait commença à vaciller, privée d'huile avant de s'éteindre brusquement. Andrios soupira alors qu'il se trouvait dans l'obscurité totale, dans l'incapacité de finir la phrase qu'il écrivait. Il avait le choix entre poser son stylet et aller se coucher ou alors se lever et dans le noir, se rendre jusqu'aux cuisines pour recueillir un peu d'huile et continuer ce qu'il faisait. S'il était silencieux et qu'il parvenait à éviter les ivrognes du banquet, il y arriverait sans problème. Et puis il avait trop envie de reprendre là où il s'était arrêté à cause de sa lampe.
À tâtons, il quitta sa chambre et ses appartements et s'engagea dans les corridors. Les flambeaux projetaient sur les colonnades les silhouettes disproportionnées des gardes en service. Aucun ne semblèrent le voir, certains bâillant de fatigue ou alors endormis sur leur lance. En les voyant ainsi, Andrios progressa lentement, veillant à ne pas se faire trop bruyant et ne voulant pas les effrayer. Dans la pénombre, ils pourraient croire avoir affaire avec le roi en personne.
Au fil des semaines, Andrios avait eu le temps de tout analyser comme on le lui avait appris. D'abord les esclaves, les soldats, les hauts dignitaires, le peuple depuis sa fenêtre et enfin son propre père. Il était parvenu à une conclusion : son père avait toute les caractéristiques d'un homme qui terrifiait son entourage. Même sa belle-mère, pourtant enceinte et ayant un avenir assuré en portant son demi-frère se mettait à trembler devant le géant et se ratatinait presque sur elle-même. Les conseillers acquiesçaient à chaque idée folle de leur roi, et il n'en manquait pas. Parmi elle, ériger une statue de Polynice, traître aux yeux des thébains et aux siens. Mais pas pour le roi qui commençait à financer les travaux. En apprenant la nouvelle, Andrios s'était étouffé et offusqué. Et maintenant, les corridors ne bruissaient plus que d'une apparente folie qui commençait à toucher Hégémon. Aussi longtemps que possible, Andrios avait tenté de repousser cette idée mais désormais, ses convictions étaient ébranlées et il commençait à s'interroger sur l'état mental de son père.
Il trouva enfin la cuisine. Dans le foyer, des éclats de braise rougissaient encore. Il s'approcha pour raviver les flammes et mieux trouver l'amphore d'huile. Et puis il aurait l'occasion de manger un peu, ayant refusé de se joindre au banquet, ou plutôt à l'orgie que célébrait son père en l'honneur de Dionysos. Il y croyait à peine, c'était simplement une excuse pour l'organiser et festoyer. Et puis les manières qu'Hégémon avait avec les femmes le répugnait, il n'hésitait pas à trousser les esclaves contre leur gré malgré son épouse enceinte et il faisait venir des filles de plaisir au palais. La frontière entre palais et maison de plaisir semblait maintenant bien poreuse, au point où il en était.
Les cendres s'élevaient dans l'air et le feu reprit vie. Il avait maintenant suffisamment de lumière et il pourrait se restaurer un peu avant de regagner sa chambre et d'y rester jusqu'à l'aube. Il se mit sans tarder à la tâche de d'abord trouver l'huile puis de quoi manger. Pour la première, ce n'était guère difficile, elle se trouvait à porter de main. Pour le second, il fureta un peu partout, relevant les torchons qui pourraient dissimuler les victuailles dans les paniers. Il devait bien rester quelque chose dans les cuisines, les esclaves s'étaient activés depuis l'aube pour préparer le festin de cette orgie. Et puis il était hors de question qu'il goûte aux restes, il n'était pas un mendiant pour faire cela, mais un prince.
Au fond d'un panier, l'odeur agréable et sucrée du miel monta jusqu'à lui et pour son plus grand bonheur, et celui de son estomac, il ressortit une part de gâteau au miel et aux noix. Le gâteau ne semblait nullement rassis et mieux encore, il était frais. Andrios salivait déjà à l'idée de goûter ce délice avec un peu de vin. Il le méritait bien.
Sans peine, il récupéra du vin et le mélangea dans son gobelet avec un peu d'eau avant de s'installer sur le banc et commencer son festin à lui.
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De Delphes toute puissante
Historical FictionGrèce antique. Les grandes cités de Grèce se disputent une cité en particulier, gouvernée de façon particulière : des femmes sont à la tête, puissantes et indépendantes, aimées et respectées par leur peuple, prêtresses et médecins, guerrières et str...