Hector soupira discrètement alors qu'il entendait son frère préféré finir sa phrase. Le futur roi joua un peu avec sa coupe de vin avant de la finir puis regarda Déiphobe. Il voyait cette détermination sur son visage, celle qu'il arborait sur le champ de bataille et qui le rendait redoutable. Mais en vue du sujet, cette détermination ne l'aiderait pas.
- Clelia n'acceptera jamais cette décision, le prévint son aîné, ton épouse veut l'envoyer à Delphes, et elle le fera, de n'importe quelle manière. Et le fait que Terpsis soit ici laisse à penser qu'elle aussi ne lâchera pas l'affaire. Mais peut-être ont-elles raison, ta fille sera entre de bonnes mains avec Terpsis.
- Oui, Agamemnon n'osera pas s'en prendre à l'enfant de la paix, pas devant elle en tout cas. Et j'imagine qu'elle fera surveiller avec application Desdémone, je n'ai pas de doute là-dessus, renchérit Hélénos.
Déiphobe leur lança un regard assassin. Lui qui s'attendait au soutien de ses frères, il récoltait tout le contraire. Il se laissa trahir par un mouvement de colère avant de se lever et de faire les cent pas. Le délai donné par Terpsis allait se finir demain. Et demain, elle viendrait en personne au palais pour entendre sa décision. Il ne se doutait pas que Clelia laisserait leur fille partir à Delphes, pour diverses raisons, en tête, la sécurité. Mais Déiphobe lui ne voyait pas cet entêtement de son épouse d'un bon œil. Il ne pouvait pas laisser sa fille partir, et si loin de lui. De toute façon, si la sécurité était l'argument principal de Terpsis et Clelia, il prouverait qu'à Troie, elle le serait autant. Mais le vrai problème, c'était cette histoire d'éducation.
- Tu la reverras quand tu investiras ton trône, ajouta Hélénos. Cette guerre cessera un jour ou l'autre.
- Que te dit Apollon sur la fin de la guerre ?
- Qu'elle cessera bientôt, mais Cassandre affirme le contraire, elle dit qu'elle continuera aussi longtemps qu'Hélène vivra entre ses murs. Elle a aussi ajouté que si tu laisses ta fille s'en aller, le sang de Troie sera perpétué.
- Toutes les prédictions de Cassandre ne sont que délires, réfuta Déiphobe en haussant les épaules. Elle a prédit la naissance d'une torche enflammée à la place de Pâris, et la chute, pourtant, Troie est toujours debout. Tu la crois réellement quand elle te dit qu'Apollon en personne lui a fait don de la divination ? Ce n'est que du délire, et le pire, c'est qu'elle conforte Clelia dans sa décision. On ne peut pas la croire.
Hélénos se tut pour éviter de dénigrer sa jumelle. Pourtant, son frère avait bel et bien raison, les prédictions de sa sœur relevaient généralement du délire, même si par moment elles se réalisaient. Au moins grâce à elle, Déiphobe avait évité le fratricide. Personne ici n'avait besoin que la famille se retrouve maudite des dieux.
- Elle te reproche ta dureté envers Desdémone, ajouta Hector, et la connaissant, ton épouse l'utilisera comme un autre argument en sa faveur. Et Terpsis lui a promis qu'à Delphes, elle apprendrait à se battre, c'est justement ce que désire ta fille.
- Mais Œnone...
Clelia lui avait raconté l'étrange parole de la nymphe le soir de son apparition. Elle avait dit de protéger ce qu'elle aimait. Et puis plus tôt dans la journée, Œnone avait crié alors qu'il se trouvait avec Desdémone. Malgré lui, Déiphobe interprétait cela comme un terrible avertissement. Il faisait davantage confiance à la nymphe qu'à sa propre sœur ou à son épouse, pourtant toutes deux prêtresses. Mais il était encore dans le doute. Un pressentiment lui laissait croire que s'il laissait sa fille partir, il ne la reverrait jamais.
- Peut-être que pourrais-tu t'entretenir avec notre frère, Laocoon, tu trouveras des réponses auprès de lui...
Hélénos ne poursuivit pas quand il vit la grimace sur le visage de son aîné. Si Pâris incarnait à ses yeux la stupidité de l'amour, Laocoon pour lui était la lâcheté et la traîtrise. Il avait soutenu le décision de leur père de les protéger quand Pâris était revenu avec Hélène, les grecs à leur trousse. Il avait même soutenu qu'il valait mieux que la cité se rende plutôt que de livrer Hélène. Aux yeux d'un guerrier comme Hélénos, Déiphobe et même Hector, pourtant connu pour sa grandeur d'âme, Laocoon était ne méritait pas de rester entre ses murs.
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De Delphes toute puissante
Ficción históricaGrèce antique. Les grandes cités de Grèce se disputent une cité en particulier, gouvernée de façon particulière : des femmes sont à la tête, puissantes et indépendantes, aimées et respectées par leur peuple, prêtresses et médecins, guerrières et str...