Traversant les corridors de son palais, Clelia croisa son gendre qui la salua avec affabilité et s'arrêta pour lui faire la conversation.
- Le temps est beau dehors, remarqua-t-il. Il faut en profiter avant de s'enfermer comme à chaque fois, mère.
- Trop de travail, comme à chaque fois. Je dois déterminer la liste des généraux qui partent pour les frontières et les colonies. Elle me demande du temps. Peut-être que je sortirai ce soir pour aller au temple d'Héra ou Apollon, ou même pour me promener. Où te rends-tu ?
- Malheureusement, ces résolutions sont vite oubliées ! J'ai proposé à Pistos d'entraîner ses fils et je m'y rends. L'aîné m'adore, je le vois bien même s'il n'ose pas me le dire.
Plus le temps passait et plus Clelia était pressée de faire annuler ce mariage qui semblait faire dépérir sa fille. Sophia, d'habitude brillante et faite pour être admirée, n'était plus qu'une ombre qui rasait les murs et qui s'amincissait. Chaque fois qu'elle essayait de comprendre la raison en l'interrogeant, elle se taisait et ne disait rien. Clelia, malgré elle, portait ses soupçons sur Loïmos. Ce visage agréable en public, mais certainement terrifiant en privé lui rappelait Délia. Jamais ses pressentiments ne l'avaient trompé, mais elle sentait que cet homme était pire que Lamia qui buvait le sang ; il aspirait toute forme de vie et de joie en sa fille pour ne laisser qu'une coquille vide et amorphe.
- Nous verrons bien, se força-t-elle à répondre pour éviter qu'il ne voie sa méfiance. Sophia est étrange en ce moment. Est-ce qu'elle va bien ?
- Sophia n'est pas de caractère très stable, il y a toujours un quelque chose qui vient la troubler et la changer. Mais ce n'est que temporaire, elle ira mieux dans très peu de temps, j'y veillerai personnellement. Bonne journée.
Il s'inclina et reprit son chemin. La reine le regarda s'en aller avant de marcher à son tour jusqu'au quartier des esclaves pour retrouver Timia. En entrant, elle eut la surprise et trouver ses belles-sœurs Euterpe et Thysié en conversation avec Timia, Alopex et Tharros. Ils avaient tous un visage soucieux et s'interrompirent quand Clelia pénétra la cuisine. Aucun esclave ne se trouvait dans les parages. Timia avait dû les chasser pour que ce silence peu commun envahisse les lieux.
- On aurait cru mon conseil quand on se trouve en période de crise, remarqua la reine, pince-sans-rire. Et les dieux savent combien j'en ai connu !
- C'est à peu près ce qu'il se passe, répondit Euterpe en venant pour l'embrasser sur les deux joues. Je suis désolée de ne pas t'avoir prévenu de ma visite, tu sais que ce n'est pas mon habitude.
- Je n'en doute pas, mais pour que je retrouve autant de personnes ici et maintenant, c'est qu'il y a quelque chose de grave. J'ai des raisons de m'inquiéter ?
La moue qu'esquissa toutes les personnes présentes l'informa bien mieux que de simples mots. Ils semblaient chercher par où commencer mais aucun ne savaient comment.
- C'est à propos de Sophia, devina Clelia.
Vivement, Alopex hocha la tête et soupira comme si un premier poids venait de s'ôter de ses épaules. Pourtant, les mines graves des autres étaient loin de rassurer Clelia qui préféra s'asseoir pour éviter de tomber au sol pour une quelconque raison. Elle savait d'avance que cette conversation ne présageait rien de bon.
- Elle n'est pas normale ces derniers temps, attaqua Euterpe. Je la vois sombrer de plus en plus, elle n'a plus aucun goût à la vie. Quand elle vient me rendre visite, elle parait déprimer et elle est amaigrie, c'est terrifiant.
- Sophia refuse depuis un moment que je vienne l'aider à sa toilette ou même l'habiller. Seulement pour la coiffer et la parer, renchérit Alopex.
VOUS LISEZ
De Delphes toute puissante
Historical FictionGrèce antique. Les grandes cités de Grèce se disputent une cité en particulier, gouvernée de façon particulière : des femmes sont à la tête, puissantes et indépendantes, aimées et respectées par leur peuple, prêtresses et médecins, guerrières et str...