Chapitre 37 : Douce vengeance

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Le gynécée était calme. Du moins, en apparence. Parce qu'en vérité, les femmes qui s'y trouvaient étaient tendues. La cité s'armait pour mater une bonne fois pour toute Antipater. Aucune n'était certaine de l'issue favorable à cette guerre. Elles pensaient toutes que ce serait un échec. Cet homme était insaisissable, il s'échappait toujours.

Entres quelques discussions, les esclaves regardaient leur reine, occupée à tisser la victoire d'Apollon sur Python. Le dieu avait un visage familier, connu de tous dans le palais. Il hantait encore les lieux, on ne pouvait l'oublier. Clelia semblait parfaitement sereine, faisant naviguer la navette entre les fils tendus. Pas une seule expression ne traversait son visage. Elle achevait sa tapisserie quand la porte s'ouvrit sur Aédone, un étrange sourire aux lèvres.

- Tu ne sais pas la nouvelle ? demanda l'amante de sa mère en se postant près du métier à tisser.

- Antipater s'est rendu ?

- Navrée de briser tes espoirs, mais ce n'est pas cela. Il s'agit du nouveau fils de Priam, Alexandre.

Clelia se souvenait de cette affaire qui avait surprise ses voisins, et elle aussi. Récemment, son voisin troyen avait retrouvé un fils qu'il avait exposé à sa naissance. Celui-ci avait grandi avec des bergers sur le mont Ida et on l'avait nommé Pâris. Puis par un étrange hasard, lors de jeux, ce berger avait remporté de nombreux prix. On l'avait admiré et le roi troyen avait reconnu son fils abandonné à la naissance. De berger sous le nom de Pâris, il passait à prince de Troie sous celui d'Alexandre. Mais on continuait à l'appeler par son nom de berger.

Après cette ascension remarquable, Priam décida d'envoyer son plus jeune fils. Il se rendait à Sparte pour lui donner enfin des obligations et donc sceller une alliance avec la cité. Pour féliciter ce berger-prince de ces retrouvailles, beaucoup de souverains avaient offert des présents. Clelia avait envoyé l'époux de Timia qui était aussi son héraut apporter son cadeau, un glaive au pommeau incrusté de nacre. Récemment, la jeune femme avait appris que Ménélas s'était absenté pour des funérailles, en Crète, laissant son royal invité avec sa femme.

- Depuis que Ménélas est en Crète, il semblerait que ce prince faisait les yeux doux à Hélène. Il a même réussi à la séduire. Ils sont partis désormais, avec toutes les richesses de Ménélas.

- Vraiment ? l'interpella Terpsis, surprise.

L'ancienne intendante acquiesça avant de rejoindre son amante, hilare. Dans l'atmosphère tendue, Clelia éclata de rire et lâcha sa navette. À la fois surprenant et si prévisible. Après tout, Hélène avait déjà été enlevée par Thésée en personne. Sa beauté mènerait à la mort les hommes, c'est certain.

- Et puis les thébains sont arrivés, ajouta la rousse.

- Je vais recevoir leur chef en audience publique.

Clelia lissa son chiton de lin bleu. Il était inutile qu'elle se change, elle ne recevait qu'un simple soldat. Elle savait que Hégémon ne viendrait pas en personne, il n'en voyait pas l'utilité et cela arrangea fortement Clelia. Si elle revoyait encore son visage, que les dieux la pardonnent pour avoir assassiné le père de son fils.

La jeune femme quitta le gynécée, suivie par Terpsis. Elles traversèrent les corridors avant d'arriver devant la salle du trône. Alors que les gardes poussaient les portes, le héraut cria l'arrivée des deux reines. Clelia avança jusqu'à la table où était dressée une carte de la région. Delphes était représentée sous la forme d'un corbeau et elle vit un pion plus simple représente son allié et son ennemi. Les généraux de son armée frappèrent leurs poings serrés contre leur poitrine. Clelia et Terpsis y répondirent avant de se concentrer.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant