Chapitre 101 : Ceux qui se voilent la réalité se mentent

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Sophia réprima un couinement de douleur mais darda un œil si noir que l'esclave qui venait de la brûler se ratatina presque sur elle-même, la lampe à huile menaçant de se vider de son contenu, se confondant en excuses.

- Je n'ai pas fait exprès, maîtresse, assura-t-elle d'une voix chevrotante, je le jure. Je ne voulais pas te brûler c'est une erreur et elle ne se reproduira plus jamais.

- Tais-toi ! ordonna Sophia. Tu n'es qu'une sotte et une empotée qui ne sait rien faire de ses mains ! Tu es censée brûler les poils, pas ma peau ! Hors de ma vue et envoie-moi Alopex, elle terminera ce que tu as commencé.

La fille commença à pleurer mais Sophia la chassa d'un geste de la main, agacée. Elle regarda l'endroit où la flamme de la lampe l'avait brûlée, sur le pubis. Elle pesta contre l'esclave une dernière fois et attendit qu'Alopex vienne pour terminer le travail.

Elle soupira de lassitude en songeant que jusqu'à maintenant, elle était parvenue à oublier les quelques problèmes que sa écervelée de demi-sœur avait provoqué et qui retombaient en fin de compte sur Sophia. Elle craignait que ces bêtises et son inconscience n'arrachent la vie de leur mère d'une quelconque manière. D'autant plus que la reine n'était toujours pas revenue et la jeune femme ignorait si elle se trouvait encore en Épire pour parler à Hélénos ou si elle se trouvait sur le chemin du retour.

Alopex arriva enfin, un bol aux douces odeurs de cire d'abeilles entre les mains. La rousse avait le visage grave et sans un mot, inspecta la zone brûlée par la flamme puis commença à appliquer la cire pour rendre l'épilation uniforme.

- C'est une vraie sotte, elle n'aurait jamais dû utiliser du feu, dit Sophia qui espérait une conversation.

Sa sœur de lait ne répondit rien et sans prévenir, arracha la bande de cire d'une geste brusque. Sophia retint un cri de douleur en mordant sa lèvre et sentit en même temps l'endroit lui picoter.

- Je hais la cire, souffla-t-elle, crispée par la douleur.

- Tu hais la cire, tu détestes la lampe, tu ne supportes pas la pince ni la poix chaude et tu exiges quand même que tu sois débarrassée de tes poils, rappela-t-elle. Il faut accepter toutes ces méthodes, aucune n'est meilleure que l'autre mais si tu demandes à être épilée, il faut accepter le désagrément qui va avec. Et puis j'estime que l'épilation est correctement faite quand elle fait mal. L'esclave n'a fait que son travail, c'est ainsi.

Le ton de sa voix était dur et empli d'un reproche à peine voilé. Son visage l'était également et quand elle fixa dans les yeux Sophia, Alopex n'avait rien de la chaleur et de la gaité qui lui étaient coutumières.

- Qu'est-ce que tu as, tu es malade ?

- Les esclaves parlent beaucoup sur toi. En mal. Ils te comparent presque tout le temps à Loïmos, Tharros, Andrios ou Desdémone. Parfois même à ta mère, pour les plus âgés qui l'ont connu encore princesse. Ils te traitent de peste irascible et despotique. Avant, ils n'ont jamais eu à se plaindre de leurs maîtres, ils se sentaient compris et on ne leur hurlait pas dessus. Avec toi, c'est différent, ils se sentent mépriser pour ce qu'ils sont. J'en ai assez de prendre sans cesse ta défense pour justifier tes actions ou tes paroles, j'en ai assez d'entendre parler de cette façon sur toi. J'ai dû consoler celle que tu as chassé rudement parce qu'elle pleurait. Personne ne s'était plaint d'elle avant toi, elle accomplit son travail très bien.

- Je n'y peux rien si elle est empotée, se défendit Sophia qui n'était guère ravie d'entendre tout cela. Elle m'a brûlée, il était hors de question qu'elle continue, voilà tout !

- Tu te rends si détestable qu'aucun esclave ne t'apprécie. Tu as réussi à te faire détester de Desdémone qui est ta propre sœur, des gardes, tu as maintenant les esclaves qui s'ajoutent à cette liste. Arrête de te comporter comme une petite fille qui méprise tout de qui est censé être inférieur à toi. Arrête d'être jalouse des autres parce qu'ils sont meilleurs que toi. Tu dois accepter la vérité.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant