Chapitre 120 : Tuer ou être tué

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Se détachant du ciel, les remparts de Thèbes qui résistèrent jadis à l'attaque du traître Polynice furent aperçus par le convoi éreinté. Andrios en faisait partie et il se redressa sur sa monture pour oublier sa fatigue. Il envia son épouse qui était confortablement installée dans sa litière, entourée par milles coussins et protégée du soleil et des orages qui éclataient au plus fort de l'été et qui les avaient énormément retardé.

Le souverain se tourna vers un cavalier qui avançait près de lui pour les distancer et annoncer au palais leur prochaine arrivée. Il s'élança presque aussitôt et porter ce message avant leur arrivée au palais. Il ne resta plus que Phiaros près du roi. Andrios détailla ce visage fermé qui ne le quittait plus depuis qu'ils étaient partis de Delphes. Par précaution, il n'avait rien dit à propos de cette grossesse à l'architecte pour que plus personne n'y pense.

Durant le voyage, il n'avait cessé de se demander comment sa sœur si fière de ses origines et de ses titres avait pu s'abaisser à coucher avec un artiste. Puis il s'était souvenu qu'elle n'avait pas hésité à épouser un homme dont on ne savait rien, aveuglée par quelque chose qui n'était certainement pas de l'amour mais quelque chose qui s'apparentait surtout à de la stupidité. Sur ce point-là, il se souvenait de l'avis que Desdémone avait sur les histoires d'amour et de la myriade de problèmes qui l'accompagnaient, ce n'était qu'un enchaînement de problèmes. Et c'était exactement ce qui était arrivé pour Sophia. Elle avait beau être intelligente, elle se laissait parfois davantage guidée par ses pulsions que par la raison, passionnée qu'elle était, comme une jeune fille.

Il soupira puis leva le visage vers le ciel et huma l'air. Il faisait humide, la pluie tomberait d'une minute à l'autre. Andrios ordonna aux hommes derrière lui d'accélérer la cadence pour passer au plus vite les portes de la cité. Pourtant, une voix les arrêta dans leurs élans et Andrios tourna la tête vers la litière d'où sortait celle d'une esclave qui accompagnait Métis.

- Est-il possible d'arrêter un court instant la litière ? C'est la reine qui le demande. Elle réclame un bâton.

- Nous approchons, c'est inutile. Qu'elle attende notre arrivée, dit-il.

- C'est urgent, la reine ne peut pas attendre. Je promets que ce sera rapide, mon seigneur.

Il soupira et lui ordonna de se presser. Depuis leur départ de Delphes, Métis était d'une humeur massacrante qui le lassait. Elle voulait à tout prix tomber enceinte pour donner le fils et l'héritier à Thèbes mais aussi raffermir encore plus son pouvoir par son entremise sur la cité, pour que plus personne ne vienne contester l'autorité de son époux. Elle était d'autant plus furieuse parce qu'on la comparerait à sa belle-sœur qui était finalement enceinte alors que plus personne ne fondait d'espoir après des années de mariage stérile.

L'esclave revint et remercia son roi avant de regagner la litière où était installée sa maîtresse. Andrios donna un coup dans les flancs dans sa monture et accéléra la cadence avant que la pluie ne les ralentisse.

Les quelques soldats qui dépassaient Andrios fendirent en deux la foule amassée devant les grandes portes. En passant, Andrios se sentit foudroyé par des regards de haine que les gens. Si les gardes n'étaient pas armés et très présents, il aurait été probable qu'on l'aurait hué pour une raison qu'il ignorait. Certainement cet absence prolongée qui avait amplifié le peu de confiance qu'on plaçait en lui.

Il tourna sa tête et croisa les yeux des simples citoyens, de la noblesse vraisemblablement unie dans un affaire qui lui échappait et qui avait l'audace pour les plus fous d'entre eux de cracher à son passage.

Il finit par remarquer la tête de Métis dépassant légèrement le rideau de la litière, la main crispée sur l'étoffe, ses billes noirs lançant des éclairs assassins à la population avant de le tirer rageusement pour mettre de la distance entre sa personne et celle du bas peuple. Son orgueil mêlé à la fierté qu'elle éprouvait pour ses origines très anciennes exigeaient un respect de tous dans cette cité, bien plus que la reine qu'elle était. Métis appartenait à une famille influente et riche, presque autant qu'Andrios qui se devait d'entretenir de bons liens avec la famille de son épouse et elle-même  Mais l'absence d'héritier après un an et demi de mariage fragilisait ce lien. Les frères de Métis étaient influents dans l'armée, le père auprès du reste de la noblesse et un peu chez  des marchands qui n'étaient pas à négliger. La position d'Andrios était délicate, même trop. Son pouvoir s'effritait de jour en jour et cette absence avait aggravé la situation. Il devait s'affirmer et avoir aussi un enfant de son épouse au plus vite. Sa survie en dépendait.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant