Chapitre 22 : Les ciseaux d'Atropos

129 16 80
                                    

Huit mois plus tard, l'angoisse avait étreint le palais. La colère aussi. L'inquiétude également. La vie ne tenait plus qu'à un fil.

C'était cela que Clelia ressentait chaque matin. La peur de l'avenir. Depuis l'annonce, son statut était bancale. Elle avait pu conservé son titre d'héritière, mais pour encore combien de temps ?

Le palais lui était désormais insupportable. Son père la dédaignait encore plus, et passait tout les caprices de sa maîtresse, presque à terme. Clelia passait son temps au temple d'Apollon, priant inlassablement. L'avenir l'obsédait, de même pour sa mère. Mais la jeune fille n'y tenait plus, elle avait besoin de réponse.

C'était pour cela qu'elle se trouvait sur le trépied, à la place de la Pythie. Les prêtres avaient compris que la jeune fille était beaucoup plus sensible aux vapeurs qui s'échappaient du temple. Et puis Apollon avait approuvé cela. Le temple avait tremblé. Un signe positif.

Les prêtres étaient réunis dans cette pièce destinée aux prédictions de la Pythie. Clelia avait dû se préparer comme elle, de son plein gré. Ils attendaient que les vapeurs s'emparent de la jeune fille. Celle-ci y était réceptive. Elle n'était plus elle-même.

- Quel est l'avenir de Delphes ? demanda la grande prêtresse.

La fille sur le trépied bougea un peu, comme si elle se laisser balloter par la fumée.

- Atropos coupera bientôt le fil de la vie tenue par Lachésis et la fin de la lâcheté et du glaive arrivera. Une nouvelle ère suivra, bâtie dans l'or et le sang, par la fille d'Arès, lumineuse elle sera.

Elle se tut. Les vapeurs se firent moins importantes et sans tarder, les prêtres la transportèrent à l'extérieur du sanctuaire. Terpsis les rejoignit alors qu'ils donnaient à Clelia de l'eau mélangé à du miel. La prêtresse reprit conscience et échappa ainsi aux paroles du dieu.

Les prêtres, eux, cherchaient une traduction aux paroles prononcées par la fausse Pythie.

- Apollon a parlé des Moires. Mais la lâcheté et le glaive, quelles significations peut-on leurs trouver ? De même pour la fille d'Arès. Il n'avait pas de fille, que je sache, fit un prêtre.

- Le mieux est que nous réfléchissions chacun de son côté avant de se concerter, suggéra la grande prêtresse.

Ils acquiescèrent avant de se séparer. Terpsis s'approcha de sa fille et la leva délicatement du bon où on l'avait installé, avant de quitter l'enceinte sacrée. Terpsis veilla à marcher doucement, afin de ne pas brusquer sa fille qui restait délicate à cause du manque de nourriture et d'eau.

Aux abords du palais, elle vit Timia qui les attendait. Elle était inquiète pour sa sœur de lait et dès que la souveraine monta les marches, elle avança.

- Amène-la dans sa chambre et veille-la, s'il te plaît.

La jeune rousse hocha la tête et amena Clelia jusqu'à sa chambre. Aussitôt, à la place de la fille, ce fut la mère qui se présenta. Son visage exprimait mieux que n'importe quelle parole la question qui lui brûlait les lèvres.

- Alors ?

Terpsis ne répondit pas immédiatement. Elle entra dans le vestibule et commença à enlever son voile et détacher ses cheveux, tout en marchant, Aédone à ses côtés.

- La prédiction est inquiétante et déconcertante, se contenta de dire la reine.

- Comment cela ?

- Si dans une prédiction tu entendais en peu de temps les noms de Lachésis, d'Atropos et d'une fille d'Arès, comment réagirais-tu ?

- La fille d'Arès ? Il n'en avait pas pourtant.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant