De Delphes toute puissante

Chapitre 110 : Un voile noir qui danse

Le vent se leva au mauvais moment, quand le navire approchait la côte. Desdémone plissa son nez en regardant le ciel qui se couvraient d'épais nuages et elle se tourna vers son équipage.

- Abaissez la grande voile et aux rames !

Ils s'exécutèrent sans contester et Desdémone surveilla attentivement la plage en priant pour que Le Triton ne se prenne pas dans un banc de sable. Mais tout alla pour le mieux et elle organisa le débarquement sur cette terre à la végétation épaisse. Quand tous serait sur terre, elle se mettrait à la recherche de la grotte. Pour le moment, il fallait manœuvrer et c'était une étape délicate et risquée. Elle espérait y arriver.

- Cessez de ramer, ordonna d'une voix forte Desdémone, et jetez l'ancre ! Faites descendre les animaux !

L'équipage se mit en branle et sortit les cinq moutons ainsi que Chioné de la cale avant de les mener sur la plage. Desdémone prit ses armes et sa besace puis sauta du Triton. Les moutons, deux noirs et trois blancs, étaient terrifiés après ce voyage alors que Chioné qui détestait être enfermée si longtemps dans un endroit si étroit à son goût gratta le sable et souffla fortement des naseaux. Desdémone l'évita et fit aligner devant elle son équipage. Elle sortit de sa besace un sachet contenant un mélange de plantes et le lança sur eux, sans broncher ou paraître choquer. Ils n'avaient pas d'émotions, elle s'y était habituée depuis le début et Circé l'avait prévenu.

- Je vous rends votre première forme et à la mer.

Ils perdirent leur taille d'hommes pour redevenir les poissons que la jeune femme avait pêché avant de partir. Les poissons rejoignirent le large et elle se détourna pour commencer son exploration de cette terre du bout du monde. Trouver la grotte qui est l'entrée principale et la plus sûre vers les Enfers.

Elle prit Chioné par la bride et avança à ses côtés, les moutons derrière elles. Pour une terre qui accueillait l'antre du royaume souterrain, elle se serait attendue à plus lugubre, une région désolée et sans vie. Pour un peu, elle était presque déçue. Mais elle se consola et songea qu'elle était plutôt chanceuse d'avoir trouver cette région reculée et éloignée de la civilisation. Circé lui avait dit que la terre qui accueillait l'entrée principale des Enfers était bien dissimulée par la végétation et qu'elle devait être vigilante. Les ours, loups, lynx et lions régnaient en maître et l'odeur de ses proies faciles les attireraient facilement.

De sa lance, elle repoussa les branches basses en s'enfonçant davantage. Elle trouva d'abord une clairière où elle décida de poser ses affaires et laissa les animaux pour reprendre ses recherches tranquillement. Mais avant de partir, elle jeta une illusion sur la clairière qui tromperait l'odorat des fauves et la préserverait du danger. Elle prit son arc et ses flèches et s'aventura. Ce calme paisible était presque effrayant, ses muscles étaient tendus, comme lorsqu'elle était arrivée la première fois à Aiaia. Mais Aiaia était une chose, cette terre du bout du monde en était une autre. Sa préparation avant d'accéder au royaume d'Hadès serait longue, Circé l'avait prévenu.

Un vent frais mais aux relents putrides venant d'une grotte balaya son visage. Desdémone eut un haut-le-cœur et couvrit son nez de sa main tout en retenant sa respiration. C'était les Enfers, aucun doute. Rapidement, elle s'en détourna et revint vers la clairière pour y établir son campement et commencer sa longue et éprouvante préparation si elle voulait avoir une chance de s'en sortir vivante.

Elle chercha d'abord les plantes protectrices qu'elle transformerait en baume pour que la souillure des morts ne la couvre pas entièrement. Cette première étape était facile, mais la fermentation qu'elle obtiendrait des plantes serait la plus longue. Elle s'en était toutefois habituée, même lors de ses apprentissages auprès de la déesse elle avait su faire preuve de patience et de persévérance. Aujourd'hui, elle approchait son but, elle ne devait rien négligé si elle voulait revoir la lumière du jour et revenir à Delphes.