Chapitre 79 : L'été des adieux

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Les pieds pris entre les cordes, Desdémone se débâtit autant qu'elle pouvait alors qu'elle entendait Soter rire de ses déboires. La jeune fille pesta entre ses dents avant d'enfin pouvoir s'extraire et baisser la voile comme lui avait demandé le vieux marin. C'était long et fastidieux, elle devait le faire sans aide et ses mains lui brûler alors que la corde glissait.

- Eh bien, un peu plus et nous ne partions pas, dit-il. Maintenant viens, je vais te montrer comment manœuvrer.

Elle n'attendait que cela et en quelques secondes à peine, se trouva près de lui, les yeux rivés sur le gouvernail.

- D'où vient le vent ?

- De derrière nous. Il gonfle déjà la voile.

- Tu as de bons réflexes qui s'aiguisent beaucoup mieux depuis notre dernière leçon, reconnut le Crétois.

- La chasse demande à peu près les mêmes compétences. Il faut chercher le sens du vent pour éviter de se faire repérer par les loups ou les lions.

- Je te laisse aujourd'hui le privilège de tenir le gouvernail, dit-il à la place.

Un cri de joie lui répondit et elle fut prompte à prendre sa place, ravie d'enfin pouvoir le faire après tant de séjours ici pour apprendre la navigation. Le vent derrière eux faisait gonfler la voile et une fois détacher, le navire s'aventura sur l'eau. Desdémone se concentrait autant qu'elle pouvait, fixant l'horizon pour éviter les obstacles. Soter se tenait encore près d'elle, surveillant attentivement chacune de ses manœuvres, approuvant dans sa barbe les efforts de son élève.

Desdémone ignorait si le port était encore proche ou si elle se trouvait enfin en pleine mer. L'odeur iodée de l'eau remplaçait désormais celle du foin et du blé et à part Le Triton, il n'y avait pas un navire en vue, même une barque de pêcheur. Elle avait dû les dépasser sans les remarquer, trop concentrée pour voir autre chose que l'horizon se confondant à l'eau.

- Nous nous sommes suffisamment éloignés du port. Lâche le gouvernail et va jeter l'ancre.

Elle eut une grimace. En plus de la navigation, elle apprenait à entretenir le navire, et la tâche était longue mais aussi très physique. Elle détestait cela plus que tout, mais elle n'avait d'autre choix que de faire ce qu'il disait.

Elle poussa l'ancre, transpirant sous ce soleil implacable. Sa peau en était brûlée, mais étonnamment, elle ne brunissait pas comme un marin normal, elle restait toujours aussi blanche que du lait.

Un plouf retentit et Desdémone essuya son front perler de sueur. Enfin, elle put admirer la vaste étendue bleue qui l'avait toujours fascinée. Au-dessus d'elle, les mouettes riaient et certaines plongeaient pour pêcher une sardine. Elle remarqua même des dauphins qui fendaient sur le banc de sardines. Les remous et la danse gracieuse des dauphins l'hypnotisaient et la ravissaient en même temps. Elle aimait les moments qu'elle passait dans la villa de sa grand-mère, désormais propriété de la reine après la mort de celle-ci.

Chaque année depuis le retour de Troie, Clelia avait décidé de se retirer avec sa famille de la cité pour rejoindre la propriété et profiter ainsi de la campagne. Et Desdémone pouvait apprendre la navigation comme le lui avait proposé le vieux marin crétois. Quoi qu'il en était, ces départs pour ici étaient toujours les plus attendus dans sa famille.

Desdémone ouvrit la trappe et sortit sa besace pour se restaurer et se rafraîchir. Elle choisit de se mettre à l'ombre, joint par Soter qui s'adossa au mât, avec un soupir d'aise. Il prit les figues mûres et juteuses et les déchira à grands coups de dents. Desdémone, moins affamée, se contenta de grignoter un morceau de pain tout en sortant les cartes de sa grand-mère pour les étaler devant Soter.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant