Neuf ans plus tard, au printemps, Clelia eut quinze ans et il était le moment de l'année où la Grèce se déplaçait pour entendre leur destin de la bouche de la Pythie. Clelia n'avait cessé de s'occuper d'elle et pour la première fois, elle put voir les auberges pleines de monde et les commerçants se frotter les mains quand aux prochains bénéfices qu'ils pourraient se faire.
Le matin, elle s'était levée tôt pour se purifier et revêtit un chiton immaculé retenu par des fibules d'argent. Elle ceignît sur sa tête un fin diadème d'argent et la couvrit d'un voile blanc opaque qui cachait ses épais cheveux châtains. Elle était excitée de voir du monde et de pouvoir pour la première fois participer auprès des prêtres et de sa mère à l'interprétation des prédictions de la devineresse.
Il était temps pour elle de recevoir les offrandes des personnes venues interrogées la Pythie et d'observer comme il se devait la manière dont sa mère dirigeait le temple en ce grand jour.
Elle regarda le reflet que lui renvoyait le miroir de bronze pour s'assurer de sa mise et fut rassurée. Elle sentait un mélange d'excitation et d'anxiété mais aussi elle trépignait d'impatience. Elle rejoignit l'extérieur du palais et se rendit en trottant jusqu'au temple d'Apollon. Les prêtres étaient déjà levés eux aussi et la grande prêtresse était en train de préparer la couronne de laurier pour la ceindre sur la tête de Pythie.
— Tu es enfin là, remarqua Terpsis en réprimant un bâillement. La Pythie n'a plus de feuilles de laurier, vas donc en cueillir pour qu'elle les mâche.
— Bien mère.
— Prêtresse, corrigea-t-elle en montant sa voix.
Mais elle avait déjà disparue, la prêtresse ne put que soupirer et reprit sa tâche. Clelia disparut entre le temple et la petite masure où logeait la Pythie. Elle ne passa pas chez elle mais alla chercher un couteau pour couper les rameaux de laurier. Une fois l'arme prise, Clelia s'agrippa à une branche basse et grimpa avec aisance. Son éducation chez les Amazones lui avait appris à chasser et à repérer les baies bonnes à la consommation, et plus encore à grimper le plus discrètement possible.
Il faisait encore nuit et le Soleil n'était pas levé. Elle devait donc chercher les plus beaux rameaux au toucher et quand elle fut sûre que c'était le mieux, elle trancha d'un geste net la branche et sauta de son perchoir. Elle courut jusqu'à la masure et fit un fracas en ouvrant la porte. La devineresse ne sursauta pas et resta impassible. Clelia se calma un peu et commença à séparer les feuilles des branches puis les lui tendit avant de jeter par la fenêtre la branche entièrement dénudée. Quelques secondes plus tard, Terpsis arriva avec la couronne de laurier qu'elle posa sur la tête de la devineresse devenue une poupée malléable.
— Il est temps, souffla la grande prêtresse à la Pythie. Lèves-toi.
Elle obéit et Clelia vit la silhouette décharnée suivre sans un mot la grande prêtresse qui le tenait d'une maison ferme. Elle les suivit discrètement puis vit sa mère entrée dans la salle et installée la Pythie sur un trépied. Terpsis se recouvra le nez et la bouche de son voile pendant qu'elle mettait les feuilles de laurier dans sa bouche. Juste au dessus des trois prêtresses se trouvait une bouche qui dégageait de la vapeur. Puis contre toute attente, le temple se mit à bouger.
— Apollon est là ! crièrent les prêtres. Il est temps.
En vitesse, on laissa la Pythie qui commençait à inhaler les vapeurs et Terpsis s'arrêta pour arranger un peu sa mise.
— N'oublie pas Clelia, je ne suis plus la reine ni la prêtresse d'Aphrodite et tu n'es plus la princesse ou la prêtresse d'Héra mais celle d'Apollon. Tu pourras donner les interprétations mais seulement contre...
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De Delphes toute puissante
Historical FictionGrèce antique. Les grandes cités de Grèce se disputent une cité en particulier, gouvernée de façon particulière : des femmes sont à la tête, puissantes et indépendantes, aimées et respectées par leur peuple, prêtresses et médecins, guerrières et str...