Chapitre 100 : À la recherche d'une ombre insaisissable

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La silhouette d'Hélénos à contre-jour et ce calme étrange qui s'était emparée de la salle du trône chez lui, en Épire, mettait Clelia au supplice. Elle chercha le regard d'Andromaque qui fixait le vide, puis celui de Thysié rongé par l'angoisse.

- Dis quelque chose ! s'écria soudainement sa sœur.

- Dès le début, l'éducation de cette fille est une catastrophe, lâcha-t-il enfin.

Sa sœur resta hébétée de surprise et ne dit rien, Clelia non plus. Hélénos se tourna vers elles, un air grave au visage. Il fixa Clelia et ne regarda personne d'autre qu'elle. Ils s'affrontèrent un long moment ainsi, sans rien dire. En elle, Clelia sentit la colère l'envahir mais elle la contint du mieux qu'elle pouvait.

- Mon frère a été trop négligeant avec cette fille. Elle se comporte de façon indécente, elle n'est pas à la place qu'elle devrait occuper en temps normal. Rien d'étonnant à ce qu'elle soit partie, Déiphobe n'a jamais su poser les limites avec elle, il laissait passer tous ses caprices. Regarde ce qu'elle est maintenant. Elle a fugué et tu t'en étonnes, Clelia, mais ce ne pouvait qu'être prévisible. Tout tendait à ce qu'elle s'en aille. Et quelle idée de lui avoir permis de garder un navire ! De l'autoriser à sortir quand elle le désire ! Quand on laisse un peu de liberté à quelqu'un, il en réclame encore plus ! Et c'est exactement ce qu'elle a fait avec toi !

- Mais qui es-tu pour me dire comment je dois élever ma fille ? s'indigna Clelia. Tu n'es que son oncle, peut-être son tuteur, mais tu la connais à peine. Déiphobe a été un bon père pour elle, tu es simplement furieux qu'elle ait refusé de te suivre sagement jusqu'à chez toi et tu n'as rien trouvé de mieux qu'accuser ton propre frère et moi pour avoir mal élevé notre fille ! Tu es presque un inconnu à ses yeux et elle considère que toute tentative d'autorité de toi sur elle illégitime.

- Le respect envers ses aînés est une chose primordiale ! tempêta Hélénos. C'est la base de toute civilisation qui se respecte ! Elle m'a humiliée pendant la chasse avec ses questions et son insolence ! Oui, ta fille est une insolente qui n'a aucune considération pour ceux a qui elle doit l'obéissance ! Je suis son tuteur et je peux disposer d'elle comme je l'entends, elle n'a pas son mot à dire !

- Que tu es sot, Hélénos, asséna Thysié, la voix dure. Et surtout borné. Desdémone n'a jamais été une gentille fille sage à qui on peut lui imposer ce qu'on désire. Déiphobe n'a jamais agi ainsi avec elle parce qu'il savait qu'il n'obtiendrait jamais rien de cette manière. Et surtout, il était bien plus ouvert d'esprit que toi, c'est indéniable. Desdémone n'a fait que poser une question dont nous nous interrogeons tous. Où étais-tu quand nos frères et notre père se faisaient massacrer, tes sœurs et notre mère violées et réduites en esclavage, tous les habitants tués comme de la vermine ?

Il prit les paroles de sa sœur comme une insulte à son encontre. Son visage devint écarlate alors qu'à grands pas, il marchait jusqu'à cette dernière, furibond. Thysié le toisa longuement tout en retenant son époux qui allait se mettre entre elle et son frère pour la défendre.

- Je ne suis plus une petite fille, Hélénos, j'ai changé, comme toi. Tu ne peux plus m'impressionner. Dis la vérité. Où étais-tu ? Comment se fait-il que tu sois là, le seul prince de Troie encore vivant alors que même Pâris qui n'avait aucune bravoure est mort ? Comment se fait-il que tu sois sur un autre trône que celui de Troie ? Tu te caches, tu as peur de quelque chose ? Tu as fui comme Énée, en abandonnant les nôtres ?

Hélénos serra les poings et affronta du regard sa sœur. Celle-ci ne broncha pas et soutint longuement le sien, avec une détermination brûlante.

- Ne dis plus rien, Thysié, intima Andromaque qui sortait de son apathie. Le plus urgent est de retrouver Desdémone et de connaître des pistes pour mieux orienter les recherches.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant