Chapitre 114 : La fille aux yeux d'or

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La longue file de soldats progressa en silence, épuisée par cette expédition menée aux frontières. Tharros partageait leur fatigue et à tout moment, il risquait de s'endormir sur son cheval tant il n'en pouvait plus.

- Mon prince, nous approchons la ville et le gouverneur est prévenu de ton arrivée, annonça un messager qu'il avait envoyé en reconnaissance.

- Les dieux soient loués ! Enfin un vrai lit ! s'exclama à côté Léonidas qui peinait à garder les yeux ouverts.

- Encore un peu de courage, leur cria Tharros en se retournant vers les soldats, la ville n'est plus très loin, nous pourrons tous nous reposer.

La nouvelle fut accueillie avec soulagement et malgré l'impatience plus que palpable de se reposer après cette excursion épuisante, Tharros les ménagea et continua sans les presser, malgré sa propre impatience. C'était encore des éphèbes qui venaient de prononcer très récemment leur serment. On avait donc assigné cette troupe fraîche et inexpérimentée à Tharros qui avait dû jouer le rôle d'instructeur tout en priant les dieux pour que les peuples autochtones voisins ne voient pas en ces patrouilles une menace et donc une déclaration de guerre. Pour le moment, il n'y avait pas eu d'accident trop grave à déclarer et Tharros, à mesure qu'il approchait la ville principale, sentit le poids sur ses épaules s'ôter doucement. Comme Léonidas, il rêvait de repos et de calme dans un lit moelleux.

- Par Hermès, j'ai l'impression que ce chemin se rallonge et que nous n'atteindrons jamais la ville ! pesta Léonidas.

- Prends ton mal en patience, nous ne tarderons plus très longtemps.

Son compagnon le regarda avec un air de découragement où perçait aussi un léger reproche. Tharros ignora ce détail et passa un œil qui devenait avide sur son corps, en imaginant la cuirasse et le chiton qui l'habillaient lui être retiré pour le mettre nu. Ils ne s'étaient pas touchés depuis quatre mois à cause de la promiscuité trop forte avec les éphèbes et leur envie de ne pas ébruiter la nature de leur relation. Les rares occasions où ils avaient pu se trouver en étant sûrs que les éphèbes n'étaient pas dans les parages se comptaient sur les doigts d'une main. Et puis avec la crainte des embuscades, Tharros s'était tenu à de simples moments de discussions et de caresses, parfois quelques baisers échangés sans aller plus loin. Autant dans son regard que dans celui de son compagnon, ils se désiraient.

- Nous rentrerons bientôt à Delphes ? questionna Léonidas pour oublier un instant la fatigue et le désir mêlés.

- Encore deux ou trois mois, le temps que je clarifie la situation ici avec le gouverneur et nous pourrons rentrer.

Il remarqua sur le visage de son compagnon une moue contrariée. Même s'il ne le disait pas tout haut, Tharros savait qu'il n'était pas pressé de retourner à Delphes, contrairement à lui qui voulait s'assurer que sa mère et sa jumelle allaient bien, d'autant plus que Loïmos rentrerait lui aussi bientôt du port qu'il surveillait. Jusqu'à maintenant, cela semblait être un miracle des dieux que Sophia, au bout de trois années de mariage n'avait toujours pas d'enfants. Certains couples unis moins longtemps en étaient déjà à deux ou trois fils, avec une fille parfois. Mais peut-être que les dieux s'y mêlaient et veillaient à ce que sa sœur ne soit enceinte, ce qui le rassurait. Il n'avait jamais aimé son beau-frère, il continuait à le voir comme un parvenu dont on ne savait rien. Depuis tous ce temps, il n'avait cessé de se demander si sa mère et sa sœur allaient bien. Même si Sophia ne se confiait plus à lui comme avant, il devinait que Loïmos était violent à son égard et qu'il la terrifiait. Mais avec un peu de chance, l'influence de sa tante Euterpe parmi la noblesse et l'avis favorable du conseil accélérerait l'annulation du mariage. C'était son désir le plus cher.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant