Chapitre 67 : Mille et une machinations

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Les funérailles d'Achille achevèrent pour de bon le moral des soldats. La seule personne qui leur avait permis de tenir debout n'était plus de ce monde. À quoi cela servirait de partir sur le champ de bataille si cette guerre était perdue d'avance ?

Dans son coin, Ulysse regardait les captifs troyens. Briséis était désormais libre et ne dépendait plus de personne. Pourtant, elle était encore là, elle n'était pas partie. Il ignorait pourquoi elle était encore là. Il se serait attendu à la voir partir sans tarder, le plus loin possible, mais c'était tout le contraire.

Elle ramassait les cendres d'Achille que le bûcher avait laissé, l'urne d'or se trouvant près d'elle. Elle ne portait pas de noir mais son visage était fermé, appliqué dans sa tâche.

Lentement, il s'avança jusqu'à elle mais n'engagea pas la conversation. Il l'observa quelques secondes avant qu'elle ne se relève, hautaine.

- Tu haïssais Achille pour de multiples raisons et tu t'es réjouie de sa mort. Pourquoi ramasses-tu ses cendres alors qu'il a détruit ta cité ?

- Peut-être pour me faire plus de mal ou alors je jèterai les cendres dans la mer au lieu de les enterrer, pour me venger de ce qu'il a fait à ma cité et pour sa lâcheté, éluda-t-elle. Je ne suis pas tenue de te répondre.

Elle se releva et lui lança un regard dur et plein de haine. Personne n'ignorait qu'elle haïssait plus que tout les Achéens. Briséis était emplie de mystère et dégageait une haine qu'elle ne déguisait même pas. Devant elle, les soldats baissaient les yeux, comme si l'affronter signerait leur arrêt de mort.

- Tu as toujours soutenu les troyens. Si tu veux que cette guerre cesse, c'est de ton aide dont j'ai besoin. Comment fait-on pour rentrer dans Troie sans être vu ?

Longuement, l'ancienne reine le dévisagea, indéchiffrable avant d'éclater dans un mauvais rire, méprisante. Ulysse se contenta de l'observer sans émettre un moindre son, attendant qu'elle se calme. Mais son mépris ne fit que s'accroître et elle le toisa d'un air supérieur.

- Tu te feras mettre en pièce par les archers avant d'avoir fait un pas à l'intérieur. Ils sont sur le qui-vive, tu ne pourras pas les berner. Avec Achille mort, ils ont repris de l'assurance. Si tu veux mon conseil, tu ferais mieux de reprendre la mer et de rentrer dans ton île. Vous avez perdu cette guerre.

Elle tenait dans ses mains l'urne d'or et marcha pour aller l'enterrer, mais aussi pour mettre de la distance entre elle et le roi d'Ithaque. Mais il refusa de la laisser partir et le suivit. Elle ne fut pas dupe et s'irrita grandement de le voir encore ici.

Elle recouvrit l'urne de terre avant de lui faire face une nouvelle fois, cette fois-ci pleine de colère. Il ne parut pas impressionner en la voyant ainsi et se permit même de l'observer à sa guise. Elle était plus belle que Chryséis, mais pas autant que Pénélope. Briséis était une beauté typique de Troade, plus proche des peuples barbares se trouvant plus loin dans les terres, des cheveux bruns et des perles de jais envoûtantes pour ses prunelles.

Elle s'habillait certes d'un chiton, mais selon la mode de la région, en guise de ceinture elle utilisait une bande de tissu nouée au niveau de ses reins et elle portait mille colliers qui s'accumulaient autour de son délicat cou, dernier vestige de son titre, en plus de sa fierté.

Elle était si jeune, si vulnérable quand elle était arrivée sur ce campement, les mains entravées par des cordes, couverte de poussière. Malgré cela, elle avait gardé la tête haute mais se montrait docile et silencieuse. Plusieurs hommes s'étaient disputés la belle captive, mais Achille l'avait emporté, encouragé par Patrocle. À partir de ce jour, on avait dévié le regard de la reine déchue pour se concentrer sur autre chose. Mais quand elle passait dans le camp, on ne pouvait s'empêcher de s'arrêter dans sa tâche pour la contempler, même quand elle marchait. Le souffle dans la poitrine des hommes se coupaient et ils la désiraient. Elle gardait tout les attributs de son ancien titre, même en tentant de se faire discrète. On ne pouvait ne pas la remarquer.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant