Le chiton de soie pourpre enfilé et bientôt, une couronne de laurier sur sa tête compléterait son apparence pour le faire roi. Un esclave présenta le miroir de bronze. Andrios fixa son reflet, avec l'impression de ne pas être à sa place, d'être un usurpateur. Il trouva également étrange de porter une autre couleur que le noir du deuil. Le pourpre lui parut tapageur, lui qui n'avait vu ses derniers temps que la sombre étoffe. Pourtant, personne n'avait porté le deuil avec affliction, tous sans exception s'étaient réjouis de cette mort qui signait la fin des malheurs. Durant toute cette période jusqu'à maintenant, les habitants avaient célébré cette délivrance, et Andrios ne pouvait que les comprendre. Il s'était lui aussi senti libéré, ôté d'un poids sur ses épaules. Il respirait maintenant bien mieux qu'il ne l'aurait cru.
Il quitta sa chambre pour se rendre à la salle du trône. Sur son passage, les gardes frappèrent leur poitrine, le reconnaissant comme leur chef de guerre. Andrios leur adressa un signe de la tête avant d'entendre un héraut l'annoncer sous le nom de son père. Il tiqua malgré lui mais devait s'en accommoder pour le moment. Après, tout changerait.
Il avança jusqu'au trône mais ne s'y installa pas. Il resta devant et balaya d'un regard la salle. Toutes les têtes étaient baissées et le silence roi. Il devait y avoir des nobles, des généraux, des grands prêtres et quelques hérauts de cités étrangères pour présenter les vœux plus ou moins sincères au nouveau souverain. Chose incongrue, un taureau se trouvait là, tenu par un prêtre, destiné pour le sacrifice aux dieux et permettre ainsi d'attirer leurs bonnes grâces.
Un membre du conseil avança pour lui faire prêter serment, la couronne posée sur un plateau d'argent. Andrios le regarda et effaça par sa seule volonté le reste de la salle pour ne pas être perturbé.
- Moi, Andrios Héraclide, fils d'Hégémon, jusqu'à ce jour prince, deviens roi de Thèbes. Je jure de passer mes devoirs et mes obligations avant tout, de protéger mon peuple et ma cité, d'honorer les dieux comme il se doit et d'assurer chaque jour du pain à chaque âme qui vit. En ce jour, Thèbes devient ma priorité, j'efface mon passé et n'aurai plus pour seule préoccupation que ma cité. À chaque instant, je ferai preuve d'un dévouement exemplaire à ma cité et mon peuple. Je demande aux dieux de me guider et influencer les bons choix et que l'assembleur des nuées, Zeus ainsi que tous les dieux de l'Olympe soient témoins de ce serment et me fasse digne d'honorer ma fonction.
Le conseiller hocha la tête et prit la couronne de laurier du plateau. Il se hissa sur la pointe des pieds pour atteindre le sommet du crâne d'Andrios et la poser. Il se laisse brièvement surprendre par cette légèreté, s'attendant à quelque chose de lourd. Mais il oublia bien vite ce détail quand il entendit les bruits étranglés du bœuf qu'on sacrifiait. Le sacrifice avait lieu au fond de la salle et bien que dominant toutes les personnes présentes d'une bonne tête, il ne pouvait voir ce qu'il se passait. Il tenta de rester impassible et à sa place, attendant qu'on lui dise si le sort lui était favorable et si tout irait bien.
Il remarqua un mouvement de foule qui lui fit froncer les sourcils. Puis le prêtre couvert du sang de l'animal s'approcha, le foie posé sur un plateau et il le lui présenta. La première face ne paraissait pas nécrosée mais il savait qu'il ne pouvait se contenter uniquement d'une seule. Aussi, il la retourna et constata une légère parcelle qui l'était. Il blêmit un peu avant de se reprendre. Il y avait pire, comme foie nécrosé, et en ce jour, c'était presque une bénédiction que l'organe ne le soit que très légèrement. Il était maintenant si rare de trouver un foie sans imperfection. Andrios considérait cela comme une petite victoire mais s'il devait rester prudent.
Il prit le vin et le répandit sur un petit autel avant de murmurer une prière aux dieux. La libation faite, il s'installa sur ce trône qui était désormais le sien, droit, le visage fermé. Aussitôt, une file se forma pour que tous ceux présents dans la salle puisse présenter ses hommages et sa fidélité au nouveau roi. Il savait que dès maintenant, il devait faire ses preuves en saluant comme il se devait les hérauts de ses voisins les plus proches. Mais il n'avait toujours pas vu un venant de Delphes, et sans l'expliquer, il se sentait chagriné de ne pas avoir un message de sa mère. Il aurait aimé qu'elle assiste au moins de son vivant l'accession au trône d'un de ses enfants.
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De Delphes toute puissante
Historical FictionGrèce antique. Les grandes cités de Grèce se disputent une cité en particulier, gouvernée de façon particulière : des femmes sont à la tête, puissantes et indépendantes, aimées et respectées par leur peuple, prêtresses et médecins, guerrières et str...