Chapitre 126 : Dans la cage aux lions

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Le ciel étoilé ainsi que la lune noire laissèrent leur place à l'aube brumeuse et au timide soleil qui se levait. Desdémone assista au lever du soleil, frigorifiée par la rosée matinale et la brise marine hivernale. Le serpent noir qu'elle avait sacrifié à Hécate reposait sur l'autel improvisé, immobile. Elle laissa son offrande sur l'autel et continua son observation du ciel, malgré ses frissonnements. Le soleil qui se levait lui rappela l'aube sur Aiaia, après des nuits comme celles-ci où elle veillait pour rendre ses honneurs à Hécate. Elle faisait alors un détour par la plage pour admirer le lever du jour et méditer un peu avant de rejoindre le palais de la déesse.

Elle s'irrita quand elle aperçut un haut-gradé du campement qui l'approchait et qu'elle n'aimait pas beaucoup à cause de leurs opinions différentes sur comment mener une guerre. Il risqua un regard vers le serpent noir et frémit à sa vue avant d'observer avec crainte la prêtresse et son étrange offrande.

- J'avais ordonné que personne ne vienne me déranger quand je prie les dieux, rappela-t-elle d'un ton cinglant.

- Mes excuses, ma dame, mais tu tardais à revenir et je voulais être sûr...

- Je ne vais pas fuir comme ça sans prévenir, j'ai des principes. Où en est le siège ? Les mycéniens vont-ils enfin reconnaître que résister ne sert à rien ?

- Ils ne pensent pas ainsi, ma dame. Ils continuent leur repli sur soi. Mais il est probable que les vivres derrières les portes soient épuisées. Un homme a tenté de sortir mais s'est ravisé en voyant les gardes.

Elle regarda les murs de la ville portuaire avec ennui et agacement. Les nefs de guerre appartenant à Delphes qui avaient été subtilisé par l'armée mycéniennes étaient pris en otage et Desdémone avait pour ordre de les récupérer. Elle avait quitté les territoires de la Phocide et se trouvait à présent en Argolide, à poursuivre des hommes lâches qu'elle méprisait. Ils la fatiguaient avec leur misérable résistance. Elle en viendrait à bout, elle savait déjà que la maladie s'était installée à l'intérieur.

Elle s'écarta du chemin menant jusqu'au campement pour s'approcher d'un petit trou couvert de feuillage. Elle poussa les branches et prit dans son troisième sachet suspendu à sa ceinture une pincée.

- Les forces qui abandonnent peu à peu, la vigueur qui s'en va, la fièvre qui naît. Par l'eau source de la vie et chemin vers la mort, murmura-t-elle en faisant tomber son mélange de plantes. La maladie et le désespoir s'installent par ma volonté.

Elle surprit le regard dégoûté de l'officier en la voyant faire. Il réprouvait ses pratiques et dans ses comptes-rendus à la reine qu'il adressait, il dédiait toujours une ligne pour elle, non pas pour chanter ses exploits guerriers mais pour décrire la méthode lâche et sournoise à ses yeux. Mais Desdémone s'en moquait. Elle n'avait pas de force physique, elle savait qu'elle ne faisait pas le poids face à un homme. Le poison était son arme, la magie aussi et ils lui rendaient service. Même si ce qu'elle faisait provoquait l'horreur chez les officiers et quelques hommes, ces ingrats oubliaient que sans elle, ils auraient pu se faire massacrer lors d'une embuscade tendue par des mycéniens. Si elle n'avait été pas là, pas un seul n'aurait eu le courage de tuer un sanglier plus grand que celui pourchasser par Héraclès pour ses travaux. Si elle n'était pas, ils seraient tous devenus des cendres. Bien sûr, ils se doutaient tous que sans elle, ils seraient déjà dans l'Hadès, mais la peur et la méfiance leur disaient autre chose.

- De grâce, princesse, demandons plutôt un officier plus expérimenté pour mener ce siège, dit-il en dernier recours. Je ne doute nullement de ta bonne foi et de ton envie de bien faire, mais c'est trop risquer pour une novice...

Il déglutit quand elle lui lâcha un regard sombre et la sueur perla sur son front. Elle cessa de marcher et lui fit face, immobile et terrifiante dans sa tenue de prêtresse. Il devait certainement déjà adresser aux dieux une prière pour ne pas se faire trucider par la fiancée de Thanatos, comme on l'appelait déjà.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant