Chapitre 25 : Les charognards qui guettent

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Installée dans la charrette, Timia bougonnait et maudissait la vieille Mélissa qui l'avait encore berné. À côté, Clelia tenait les rênes et faisait avancer au pas la mule.

- Depuis le temps qu'on te prévient, fit Clelia sans quitter la route des yeux, tu aurais dû faire attention.

- Cette vieille sorcière, siffla sa sœur de lait, je lui arracherai son autre œil pour ce qu'elle m'a fait !

Derrière elles, le garde qui les accompagnait se mit à ricaner des déboires de la rousse. Pour une pauvre commission, elle s'était faite avoir en payant pour cinq sacs de blé la totalité de la bourse que sa mère lui avait confié. Quand elle rentrerait au palais, elle allait recevoir la punition de sa vie.

- Cesse de te morfondre, j'ai pris une bourse avec moi, nous ferons croire que tu n'as pas tout donner à la sorcière et puis c'est tout, ajouta Clelia.

Au lieu de réconforter la rousse, celle-ci se mit à bouder. Clelia leva les yeux au ciel alors que le soldat derrière elles se tordit de rire. Timia se renfrogna davantage alors que Clelia le rappela à l'ordre en raclant de gorge avant de lui lancer un regard plein d'avertissement.

- Philippe m'a appris à dresser les chevaux. C'est grâce à lui que j'ai pu dresser Oxypous. Toujours est-il que je l'apprécie beaucoup et qu'il m'accorde toujours quelques minutes pour parler. Ce serait idiot de dire d'un de ses éphèbes se permet de piller dans la réserve d'Aédone, alors qu'elle ne le sait pas, de même pour Philippe, lâcha Clelia.

Il déglutit difficilement. Philippe, surnommé le rabat-joie, avait la terrible réputation de punir sévèrement ses éphèbes, les mettant au jeûne pur et dur. La hantise de tous ces éphèbes.

- Pitié, princesse, déglutit-il, je jure que je ne voulais pas...

Elle l'arrêta d'un geste. De toute façon, elle couvrait les éphèbes. Jamais elle ne les aurait dénoncer pour un vol de figues sèches.

La charrette arriva devant la cité. Comme d'habitude, une file d'attente se formait aux portes. Clelia lâcha ses rênes et resserra un peu plus les pans de son himation. Il faisait froid et les nuages couvraient le ciel. En cette saison, la file était moins importante. Ils n'attendirent pas très longtemps.

- Nous sommes du palais, se présenta la jeune fille aux gardes.

Ils les laissèrent entrer, non sans jeter un regard noir à l'éphèbe qui était affalé sur les sacs de blé. La mule progressa tranquillement dans les rues avant que Clelia ne la fasse arrêter. Elle se tourna vers Timia qui avait toujours la mine sombre avant de regarder l'éphèbe qui se prélassait.

- On va faire un tour du côté des marchands avec Timia, décréta-t-elle, ramène tout ça à Aédone sans faute et je te promets du vin de Chypre...

Elle n'eut pas besoin de finir sa phrase. Il sauta à terre et prit la place de la princesse, alors qu'elle faisait signe à Timia de la suivre.

- Je n'ai pas envie, bougonna la rousse.

Clelia ne lui laissa pas poursuivre. Elle l'attrapa par le bras et la fit descendre de force de la charrette, avant de l'entraîner dans le quartier des marchands. Quelques étals étaient dressés malgré la saison froide. D'habitude, Clelia détestait faire le marché avec Timia car elle pouvait y passer des heures. Mais la jeune fille fit une entorse à ses habitudes et décida de lui faire plaisir.

La rousse traîna des pieds, ruminant encore et toujours contre la vieille sorcière. Clelia dut presque la tirer par son bras tant elle traînait. Elle l'amena devant l'étal d'un bijoutier. Un esclave surveillait les bijoux et tenait un bâton. Il avait aussi disposé devant lui une dague pour dissuader les voleurs. Pourtant, l'esclave oublia bien vite ses armes et déshabilla du regard la rousse. Timia fut horrifiée de ce regard et s'en alla sans demander son reste, au pas de course. Clelia la rattrapa et l'entraîna jusqu'à un autre étal où des bijoux beaucoup plus travaillaient reposer. Un homme assez bien habillait gardait un œil vigilant sur les bijoux. Elles virent sur sa main une grande tache de naissance qui s'étalait jusqu'à son poignet.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant