Desdémone avait sa main glissée dans celle de sa mère. Celle-ci marchait d'un pas trop rapide à son goût pour sa cadence alors qu'elle regardait autour d'elle. Elle sentait, en tenant sa main, sa mère tendue et méfiante. Pourtant, personne ne leur prêtait attention. Pourquoi s'inquiéter alors ?
Elles arrivèrent devant une petite porte, gardée par à peine deux gardes. La petite fille vit la main de sa mère se tendre vers l'un d'eux, un beau collier, avec en pendentif un paon de pierres précieuses. Desdémone avait toujours admiré le beau bijou, s'imaginant pouvoir le porter un jour, quand elle serait prêtresse ou alors une belle jeune fille.
Mais l'éclat bleuté disparut rapidement entre les mains du garde qui le cacha entre sa cuirasse et son chiton. La petite fille fut déçue de le voir partir. Elle ne pourrait finalement jamais le mettre comme elle le souhaitait. C'était ainsi depuis quelques jours, les plus beaux bijoux de sa mère disparaissaient de sa cassette avant de finir entre les mains de ses deux gardes.
- J'espère que tu resteras à ton poste, ce soir, siffla sa voix, sinon, je n'hésiterai pas...
Clelia laissa volontairement sa phrase inachevée. Dans les yeux du soldat, la petite fille vit de la crainte. Il s'empressa aussitôt de hocher la tête et d'ouvrir une porte. Là, la mère et la fille se trouvèrent hors des remparts.
À peine mirent-elles un pied à l'extérieur, que Clelia se débarrassa de son himation et commença à armer l'arc qu'elle amenait avec elle, à chacune de leurs sorties. Sa mère la pressa d'accélérer le pas et elles rejoignirent les rives du Scamandre, dissimulées par des buissons et arbustes. De là aucun grec ou troyens ne les verraient, mais elles, oui.
Une fois sûre qu'on ne les épiait pas, Clelia releva son chiton et le coinça avec sa ceinture, dégageant ainsi ses jambes puis enleva ses sandales. Pendant ce temps, Desdémone chercha dans les feuillages les deux longs bâtons avant de se déchausser son tour.
- Tu peux commencer à courir, lui dit de mère. Longes les rives du fleuve, mais fais attention à la boue.
La petite fille acquiesça et commença à dégourdir ses jambes. Même si cela fait au moins la cinquième fois qu'elle se trouvait ici, frapper de ses pieds l'herbe et la boue était une sensation encore si étrange pour elle. Elle se déplaça vite jusqu'à un rocher avant de revenir vers sa mère qui l'observait. Elle fit plusieurs fois ce trajet avant de revenir, les joues rouges, mais heureuse d'être libre.
- De l'eau, mère, souffla-t-elle.
Elle reçut l'outre et en but presque la moitié avant de la tendre. Clelia la ferma et la dissimula dans les buissons pour préserver sa fraîcheur. Au passage, elle prit les deux bâtons et en donna un à Desdémone qui se mit aussitôt en position. Clelia s'approcha d'abord pour inspecter sa posture, vérifiant ses appuies.
- Les jambes sont serrées l'une contre l'autre, tu n'as aucune équilibre et il serait aisé de te faire tomber, remarqua-t-elle en les signalant de son bâton. Écarte-les, elles sont des piliers importants, comme les colonnes d'un temple, elles te permettent de ne pas tomber. Et n'oublie pas de les plier légèrement. Parfait, nous pouvons commencer.
Sa mère se mit en garde, prête à attaquer. Mais sans crier gare, Desdémone commença et tenta de la toucher au flanc. Clelia empêcha le coup et répliqua aussitôt. Les bâtons s'entrechoquèrent à plusieurs reprises. La petite fille tenta de toucher l'épaule de sa mère mais échoua quand son coup fut arrêté aussitôt. Sans crier gare, l'enfant chuta lourdement au sol alors qu'elle entendait sa mère rire.
- Tu cherches tellement à me toucher que tu ne remarques les coups bas, expliqua-t-elle en la relevant. Sur un champ de bataille, tu trouveras deux types d'adversaires : celui qui observe ta technique et celui qui se lance sans réfléchir. Dans les deux cas, ton ennemi n'attendra jamais aussi patiemment que tu te prépares. Son but est de tuer, et rien d'autre. Tu dois être à la fois vive, observatrice et prudente.
VOUS LISEZ
De Delphes toute puissante
Ficción históricaGrèce antique. Les grandes cités de Grèce se disputent une cité en particulier, gouvernée de façon particulière : des femmes sont à la tête, puissantes et indépendantes, aimées et respectées par leur peuple, prêtresses et médecins, guerrières et str...