Chapitre 119 : Ô merveilleuse Égypte !

77 8 16
                                    

Du sable d'or à perte de vue qui se fondait à la végétation près de son fleuve et des animaux que jamais encore Desdémone n'avait rencontré. Le soleil lui brûlait davantage la peau qu'en Grèce ou en Crète mais elle respira avec bonheur cet air si différent, heureuse de découvrir ce pays qui la faisait rêver depuis des années et de marcher sur les pas de Soter.

Elle tira les rênes de Chioné et ses pieds marchèrent sur la verdure qui bordait le fleuve. Elle ne cessait de regarder avec émerveillement le paysage et ces animaux étranges qui peuplaient les eaux fertilisant la terre. Elle avait aperçu le premier jour de son arrivée un immense lézard qui sifflait. Par prudence, et malgré sa curiosité, Desdémone ne s'en était pas approchée et avait évité de faire boire Chioné. Le troisième jour, c'était des oiseaux au bec long et recourbé qui vivotaient près de rochers qui s'avéraient être des animaux aux gueules énormes, massifs et immergés dans l'eau. Toutes ces découvertes ravissaient la jeune femme qui mourait de voir davantage, d'oublier pour de bon ce qui lui était arrivé depuis le début de sa vie. Sous le soleil de ce pays, elle oubliait bien mieux que le vin et le népenthès réunis.

Elle s'arrêta près d'un palmier et chercha dans sa besace l'outre pour se désaltérer. Elle laissa quelques gouttes descendre le long de son cou pour la rafraîchir et mouilla aussi son turban.

Après avoir changé une pierre en seau, elle marcha prudemment jusqu'au fleuve et puisa de l'eau en priant pour que les lézards géants ne l'attaquent pas. Longuement, elle flatta l'encolure de sa jument puis s'assit sous les feuilles du palmier pour regarder un moment ses cartes. Bien plus précises que toutes celles que possédaient les puissants de ce monde ou même sa mère, elle regretta qu'elles ne montrent pas avec plus de précisions l'Égypte. Elle s'était mise en tête d'aller jusqu'à une cité qui se nommait Thèbes et où les femmes étaient réputées pour connaître les secrets du népenthès. De plus, on disait aussi que c'était ici qu'Hélène avait appris à en faire usage. Si sa dévergondée de tante avait réussi à acquérir ces propriétés, alors ce serait la même chose pour elle.

Elle relâcha ses cartes qui roulèrent sur elles-mêmes et les rangea. Son visage tourné vers le soleil, elle le laissa caresser par ses rayons et ferma les yeux. Elle invoqua les souvenirs de la Crète, de cette île colorée et joyeuse qu'elle avait adoré. Elle se souvint des femmes qui parvenait à se promener en pleine rue la poitrine dénudée, couvertes par des tissus bariolés et chatoyants, les cheveux librement détachés et qui coulaient jusqu'en bas du dos. Les palais de Cnossos étaient sublimes, peints en rouge vif et décorés de fresques incroyables. La terre natale de Soter lui avait plu, l'accent était si exotique en comparaison du sien ou de celui de Delphes. Son seul regret était d'avoir écourté son séjour, impatiente de voir l'Égypte qui était presque aussi belle que la Crète.

Les habitants étaient si différent des crétois et des grecs. Leur peau était presque d'ébène, luisante au soleil quand ils transpiraient et ils étaient beaux. D'abord sous le choc, Desdémone n'avait pu s'empêcher de les dévisager longuement avant de remarquer qu'on faisait de même pour elle, blanche comme de l'albâtre malgré les longues heures qu'elle passait à l'extérieur. Puis finalement, elle s'y était habituée et ne pouvait qu'éprouvait encore plus de fascination pour ce peuple. Au milieu d'un désert, ils parvenaient à cultiver la terre et faire pousser du blé alors qu'en Phocide, le sol était aussi rocailleux et ingrat que celui d'Ithaque, proche des montagnes qui devaient être labourés de longues heures et il fallait prier et sacrifier aux dieux pour que les orages et tempêtes qui étaient coutumières ne détruisent pas les efforts des paysans. Cette terre-là était plate, traversée par un fleuve magnifique, presque aussi beau que celui de son ancêtre Scamandre qui irriguait la région qui l'avait vu naître.

Chioné avait cessé de boire et cherchait à présent à manger. Desdémone, qui depuis son départ d'Ithaque avait relâché sa vigilance car désormais sûre qu'on ne la rechercherait pas ici se détendit un peu. Ce peuple-là devait être complètement indifférent aux recherches faites sur la mer et ne couraient pas derrière une jeune femme aux yeux dorés. Ici, elle était une parfaite inconnue, ce qui lui faisait du bien. Elle n'avait plus peur d'être retrouvée comme en Crète et doucement, la torpeur la gagna. Il y avait une légère brise agréable qui soufflait et ridait la surface de l'eau. Elle posa sa main sur l'herbe qu'elle cueillit un peu. Entre ses doigts, les brindilles s'enflammèrent et se firent emporter par le vent qui éteignit les quelques étincelles avant de les porter jusqu'au Nil.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant