La nuit était tombée depuis une heure maintenant. Dans la villa d'Héliodore, les esclaves se pressaient pour recevoir le futur époux. Il fallait que tout soit parfait pour la cérémonie.
Pourtant, loin de se réjouir comme sa tante ou son père, Pistos tirait sa tête des mauvais jours. Il regarda sa cousine de faire coiffer par son amie d'enfance, qui comme la majorité des personnes, était heureuse pour elle.
- Souris, par Héra, ce n'est pas un deuil, le taquina Timia.
- Je n'en reviens pas que tu aies pu accepter sa demande, ajouta-t-il. Tu n'aurais jamais dû...
- Ce qui se passe entre Éléos et moi ne te concerne pas ! intervint soudainement Clelia, excédée.
Elle savait bien que son cousin ne digérait toujours pas le mariage. Son côté protecteur avait ressurgi et il fallut de peu avant que dans un excès de colère contre son voisin, il ne décidât de l'éborgner. Toutes ces tensions duraient entre les deux jeunes hommes qui se toisaient avec une haine réciproque. Cela désespérait Clelia. Elle espérait qu'ils n'en viendraient pas aux mains. Surtout avec le futur statut d'Éléos, qui par mariage, deviendrait prince de Delphes. La troisième personne la plus importante après la reine et la princesse. Et c'était pour Pistos inacceptable que son ennemi de toujours devienne prince de la cité.
- Je le tuerai de mes propres mains...
Elle se retourna et le foudroya du regard. Ses yeux soulignés par le khôl accentuaient ce regard assassin.
- Tu aurais préféré quoi ? Qu'on me marie à Ajax l'imbécile, à Hégémon de Thèbes ou à Éléos ?
- Il t'a menacé...
- Eh bien ! Je l'aurai près de moi et je le surveillerai ! Il n'y a pas de quoi en faire toute une maladie !
Outre sa colère, Clelia voyait qu'il s'inquiétait réellement pour elle. Il fallait mettre les choses au clair avant l'arrivée d'Éléos. Il valait mieux qu'elle le rassure, et surtout qu'elle évite le bain de sang.
Comprenant sans le moindre mot, Timia s'éclipsa et prétexta un petit creux. Pistos vit la porte de la chambre claquée. Sa cousine se leva de son siège et vint d'installer à côté de lui, sur le lit. Elle prit une posture nonchalante, affalée contre le mur et le regarda.
- Tu es contre ce mariage à cause de ta haine pour lui ou c'est encore pour cette histoire ?
- Tu as encore des sentiments après ce qu'il t'a fait en Thrace ? J'ai cru que tu te suicidais... Et puis pour sa famille, tu es un trophée. Je respecte le père, mais la mère est une peste, Clelia, elle va te faire vivre l'horreur.
Elle n'avait vraiment pas besoin qu'on lui fasse tout un monologue sur sa future belle-mère ! Et pour être une peste, elle ne pouvait que le confirmer ! Elle avait dû faire connaissance avec elle, d'abord au temple où la jeune fille revivait encore le désagréable examen de son physique, un an plus tôt, devant les prêtresses et les adoratrices d'Héra, qui plus est ! Ensuite, il fallut recevoir sa future belle-mère au palais, afin de mieux faire connaissance avec elle. Et on l'avait prévenu ! Non seulement elle vouait à son fils une admiration sans borne, mais en plus elle n'était qu'une simple jument à ses yeux.
À Delphes, contrairement aux autres cités, on laissait plus de droit aux femmes. Du moins dans la loi, car en vérité, les hommes faisaient encore selon leurs bons désir. Toujours est-il qu'une femme pouvait hériter de son père, mais elle restait soumise à un tuteur. Elle pouvait cependant sortir de chez elle quand elle le désirait. Et malheureusement, ces lois n'étaient pas appliquées, les hommes se refusaient à accorder des libertés. Ils étaient assez tolérants, d'après eux, de laisser leur souveraine veuve et unique personne au pouvoir, pouvant combattre et diriger une armée, et leur princesse porter les armes. Et il n'y avait rien de plus compliqué que de faire changer d'avis ces esprits étroits ! Dont Catarina, la mère d'Éléos !
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De Delphes toute puissante
Historical FictionGrèce antique. Les grandes cités de Grèce se disputent une cité en particulier, gouvernée de façon particulière : des femmes sont à la tête, puissantes et indépendantes, aimées et respectées par leur peuple, prêtresses et médecins, guerrières et str...