La Phocide était désormais loin derrière lui. Andrios regarda une dernière fois avant de reprendre son chemin, tendu. La halte était ordonnée. Maintenant, son père avait le champ libre pour le tuer s'il le voulait. Et il ne s'en priverait, l'occasion lui était presque servie sur un plateau d'or. Andrios avait peur pour sa vie.
Il descendit de son cheval avec raideur. Son père près de lui ne semblait pas pour le moment frapper par sa démence. Mais ce ne saurait tarder, Andrios le craignait. Sa bouche était sèche et pâteuse, et il déglutit quand le roi lui fit signe de le suivre, à l'écart de tous. Les minutes qui allaient suivre seraient les pires de sa vie. Et pourtant, il le suivit comme demander, peut-être pour espérer que son refus n'aggraverait pas son cas.
La première gifle s'abattit avec une telle violence que ses oreilles sifflèrent. Il lui sembla qu'il y avait mille fontaines au loin et sa bouche fut envahie par un goût métallique. Il devina sans peine qu'accidentellement, il s'était mordu l'intérieur de la joue.
- Tu n'es qu'un fils ingrat, un traître, siffla-t-il. Tu oses partir sans mon autorisation, aider ta misérable mère qui m'a humilié plus d'une fois et tu n'éprouves aucune honte à me faire tous tes coups bas ?
Au lieu de faire profil bas comme il l'avait toujours fait, il releva ses yeux vers lui et le foudroya avec une telle hargne que sur le moment, une expression de surprise traversa Hégémon. Il en avait assez, tout ce qu'il avait refoulé en lui allait éclater, et ce serait maintenant ou jamais.
- Je n'ai aucune honte, c'est toi qui devrait en avoir. Tous te détestent, ils prient les dieux pour que tu meures au plus vite, tu n'as plus aucun soutien à Thèbes, tu es aussi fou que l'était ton père Héraclès. Tu me fais horreur, tu es l'assassin de Déiphobe et tu as tiré du plaisir en parlant de cette nuit à sa propre fille. Tu as tué un homme dans son sommeil, je n'y vois que l'acte d'un lâche. Je te renie. Tu m'entends ? Je te renie, martela-t-il, en détachant chaque syllabe. Mon père est mort à Troie, je suis orphelin, je n'en ai plus. Tu n'es qu'un monstre que je hais depuis le premier jour. Tu as compris ? Je te hais.
Hégémon ne répondit rien, bien qu'ayant le bouche ouverte sur un son qui ne sortit pas. Andrios ressentit la colère comme un bouillonnement dans son sang qui s'étendait et gagnait chaque parcelle de peau, chaque membre avec une violence telle qu'il ne pouvait se la figurer. Ses poings étaient serrés si fort, il voulait la frapper mais il parvint à contenir ce déferlement de violence. Il ne devait pas céder à son appel, il devait rester maître de lui-même. À la place, il resta attentif à tout mouvement qui signerait sa mort. Les yeux de son père, ou du moins de son géniteur redevenaient fous, et d'une seconde à l'autre, il allait fondre sur lui.
Pourtant, il ne pouvait s'empêcher de ressentir un léger soulagement d'avoir pu enfin cracher toute sa rancoeur. Il n'avait plus peur, il était maintenant suffisamment galvanisé pour lui tenir tête. Cette gifle était si insignifiante au milieu de tant d'autres qu'il avait reçu, et une de plus ou de moins ne le briserait pas. En plus de la sienne, il avait l'impression de porter aussi la voix du peuple terrifié, des pleurs et malédictions des parents de la malheureuse égorgée, de cette fille chez le marchand qui parlait des pères voulant défigurer leurs progénitures féminines. Tout cela à cause d'un seul homme.
- Comment oses-tu ? rugit-il.
Andrios fit plusieurs pas en arrière, comme une proie qui pressentait les serres aiguisés de son prédateur. Il pouvait fuir, rien ne l'empêcherait et c'était aussi ce que lui criait son instinct. Mais stupidement, il resta là, droit comme un piquet. Il le vit venir jusqu'à lui avec une lenteur irréelle. Son souffle se coupa dans sa poitrine malgré lui, mais il se força à le reprendre. Son cœur menaçait de s'extraire de sa poitrine et des fourmis lui couraient le bout des doigts, jusqu'à ses orteils. Il craignait à tout moment de s'uriner dessus, c'était la première fois qu'il ressentait tout cela. Même aux frontières, une année plus tôt il n'avait éprouvé une telle peur, viscérale.
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De Delphes toute puissante
Fiksi SejarahGrèce antique. Les grandes cités de Grèce se disputent une cité en particulier, gouvernée de façon particulière : des femmes sont à la tête, puissantes et indépendantes, aimées et respectées par leur peuple, prêtresses et médecins, guerrières et str...