De Delphes toute puissante

Chapitre 36 : Hégémon de Thèbes

Le cahot des routes était un véritable supplice. Clelia avait en horreur ces litières inconfortables et trop lentes. Cela faisait un mois qu'elle était sur les routes avec son escorte alors qu'il ne lui a fait suffi d'un peu moins pour arriver à Thèbes. Elle regrettait Oxypous qu'elle avait laissé dans ses écuries à Delphes.

Les vagissements de la petite Alopex la tira de ses pensées. Timia l'allaitait, adossée à la paroi. Elle repensa à ses jumeaux qu'elle avait laissé chez elle et se mit à jouer avec ses bracelets, comme chaque qu'elle repensait à eux ou à leur père.

- Ma reine, nous allons faire une hâte pour donner à boire aux chevaux. Nous approchons Thèbes, nous l'atteindrons avant la nuit, c'est certain.

Clelia poussa un soupir de soulagement. Elle lui tardait de s'entretenir avec son voisin sur ses projets. Le voyage lui avait permis d'apporter une réflexion plus mûre à la contrepartie qu'elle accorderait en échange d'une alliance militaire.

Elle sauta sans attendre de la litière, heureuse d'enfin pouvoir dégourdir ses jambes. À côté, son escorte de cent hommes mettaient eux aussi pied à terre pour abreuver leurs montures. Clelia étira ses membres ankylosés en poussant un soupir d'aise. Elle marcha jusqu'à son cousin qui discutait avec un soldat. En la voyant arriver, il fit signe à l'homme de s'en aller pour les laisser seul.

- J'ai envoyé un cavalier prévenir le roi de notre arrivée, l'informa Pistos en faisant quelques pas près du chemin.

- C'est parfait, je m'impatiente. J'espère que ce séjour ne sera pas vain, ajouta-t-elle, soudain préoccupée. Il me faut vraiment son aide, c'est important.

- En espérant qu'il accepte. Clelia, méfie-toi de lui. Maintenant que tu es veuve, il va penser que tu es vulnérable, il...

- Je sais quoi faire, le coupa-t-elle, sèche.

Elle se dépêcha de regagner sa litière, ordonnant au passage au conducteur de se préparer. Elle s'installa contre les coussins, malgré elle préoccupée par la future rencontre. Entre temps, il fallut la préparer pour son arrivée dans la cité. Elle délaissa le pourpre pour son chiton, apanage des souverains, trop usité, et se contenta d'un autre jaune, presque doré comme le soleil, ainsi que les bijoux qui allaient avec son vêtement. Alors que Timia achevait son maquillage, les hauts remparts de Thèbes se dressèrent, fiers.

La population s'écartait devant l'escorte alors qu'elle traversait ces rues qu'Œdipe en personne avait foulé. En repensant à l'ancien roi maudit, Clelia ne put s'empêcher de frissonner. Par un étrange hasard, la cité et la sienne étaient liées, Œdipe aurait pu l'attester s'il n'était pas mort. C'était aussi la cité de naissance d'Héraclès. Elle avait entendu dire que son roi actuel partageait ce lien de parenté avec son compatriote. Mais ce n'était que des rumeurs, elles ne pouvaient être vraies.

Le palais se démarqua enfin des simples habitations. La litière entra dans la cour intérieure. À travers les rideaux, Clelia distingua une foule qui l'attendait. Elle parvint même à distinguer la stature de géant de son roi, peu discrète. Le conducteur arrêta les chevaux d'un geste alors que Pistos et ses hommes descendaient de leurs montures. Un esclave s'approcha de la litière, un escabeau dans les mains pour faciliter la descente de la souveraine avant de se placer sur le côté pour l'aider.

Le rideau s'écarta et Clelia descendit enfin de ce lieu de torture. Elle prit la main de l'esclave et descendit les marches, retenant son chiton pour éviter de s'empêtrer et pour se garder d'une chute disgracieuse.

En la voyant ainsi parée, Hégémon eut le souffle coupé. Le soleil estival faisait briller de mille feux l'or de ses bijoux et de son diadème et lui donnait une apparence quasi divine, surtout avec ce chiton d'or. Ce sentiment se renforça quand elle esquissa sur ses lèvres peintes au carmin un sourire. Au supplice, il dût attendre que sa voisine s'approche, soigneusement surveiller par ses hommes et évoluant à pas mesurés.