Chapitre 144 : Delphes, mon amour

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Les chevaux soufflaient fort par leurs naseaux alors que Clelia se trouvait à quelques heures encore de Delphes. Préférant les ménager plutôt que les épuiser jusqu'à la mort, elle décréta la pause.

Raides sur leur monture respective, Sophia et Desdémone descendirent et Elpis aussi, silencieuse et les épaules baissées, recroquevillée sur elle-même. Depuis qu'elles étaient venues la chercher chez les Amazones, sa mère et sa tante ne lui avaient pas adressé un mot. Il n'y avait que sa grand-mère, prise de pitié pour elle, qui lui parlait et essayait de la rassurer. Et Clelia commençait à s'agacer en voyant le comportement de ses filles vis-à-vis d'Elpis.

- J'aurai dû faire un enfant avec un guerrier, pas avec un artiste, murmura pour la première fois Sophia en regardant Elpis. Si c'était avec un guerrier, Elpis n'aurait pas fait de nous la risée des Amazones ! Cinq générations et il a fallu que ce soit elle qui nous couvre de honte ! Qu'est-ce que j'ai fait à Artémis pour mériter ça ?

- Arrête avec cette histoire, ce n'est pas parce que tu as couché avec un artiste que pour autant, elle est une ratée. Pour rappel, tu es musicienne et chanteuse, donc tu es aussi une artiste. Ça ne signifie rien.

- Elle va rompre nos liens avec les Amazones, elle se comporte déjà comme une fille de la noblesse qui pourrait s'évanouir pour une goutte de sang, renchérit Desdémone après avoir avalé une lampée de vin. Et même si son vrai père n'est qu'un artiste qui fui les champs de bataille, ses ancêtres sont tous des guerriers admirables. Je ne sais ce qui a été raté dans son éducation, mais je vais la durcir. Il est hors de question qu'elle coupe nos liens avec les Amazones et deviennent une de ces stupides filles mièvres et fragiles !

À mesure que sa mère et sa tante parlaient, Elpis se recroquevilla de plus en plus, jusqu'à enterrer sa tête entre ses genoux et ramena à sa bouche son pouce qu'elle suçait quand elle était triste, contrariée, fatiguée ou tout simplement pour se rassurer.

- Elpis, si je te vois à sucer encore ton pouce, je le coupe, par Artémis toute puissante ! la surprit sa tante, en criant. Tu as six ans, tu n'as plus l'âge pour jouer au petit enfant ! Enlève ce pouce de ta bouche !

Elle sursauta et regarda sa tante avec des yeux éplorés, comme un faon pour chercher la compassion. Mais contrairement aux autres fois où elle réussissait aisément, même sa mère qui la couvait et la surprotégeait jusqu'à maintenant ne réagit pas et parut d'accord avec sa demi-sœur. Et Elpis, qui ressentait depuis le départ des Amazones la profonde déception de sa mère et sa tante, n'en pouvait plus. Leur silence, ces regards torves qu'elles posaient sur elle. C'était douloureux pour la petite fille affectueuse qu'elle était. C'était trop dur à supporter. Si dur qu'elle se leva d'un bond et courut en pleurant vers la forêt, tandis que sa grand-mère l'appelait pour la faire revenir.

- Vous êtes ridicules toutes les deux, siffla Clelia en voyant la froideur sur leur visage.

Elle ne s'attarda pas plus longtemps et se dépêcha de retrouver la petite fille en suivant le bruit de ses sanglots. Clelia la retrouva assise contre un rocher, pleurant et reniflant. Elpis se balançait et son visage était enfoui entre ses genoux. Clelia s'approcha silencieusement et s'assit près d'elle, posant délicatement sa main sur le dos avant de frotter légèrement.

- Pourquoi est-ce qu'elles me détestent ? sanglota Elpis qui avait jusqu'à maintenant garder enfoui en elle sa peine depuis son départ des Amazones.

- Viens ici, ma chérie, murmura sa grand-mère en tendant ses bras pour la réconforter. Ta mère et ta tante ne te détestent pas, elles ne veulent que le meilleur pour toi. Tu sais combien c'est important pour nous qu'une fille fasse son initiation avant l'âge adulte. Et jusqu'à, nous l'avons toute réussi sans problème. Mais toi, tu as besoin de temps, c'est tout. Ce n'est pas une fatalité, tu y arriveras, j'ai foi en toi. Elpis, je n'aime pas te voir pleurer. Je sais que tu es une fille courageuse qui accomplira de grandes choses, comme ses aïeules. Est-ce que mon petit soleil peut relever sa tête et me faire son plus beau sourire ?

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant