Chapitre 10 : Recevoir

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L'atmosphère dans le palais était irrespirable. Il pleuvait des cordes et depuis un mois, personne ne mettait un pied dehors sous peine d'être trempée et d'attraper une quelconque maladie.

Le soleil semblait avoir abandonné les lieux et il ne régnait dans le ciel que des lourds nuages encore gris. Le temps influençait l'humeur au palais. Cela agaça Clelia.

Après un énième soupir de lassitude, Clelia détourna son regard de la fenêtre vitrée - immense luxe. Elle distinguait difficilement le jardin et le regrettait. Elle n'en pouvait plus de ce temps et plus encore de la torture que lui affligeait Timia en tordant des mèches rebelles.

— Cesse de t'agiter ! pesta sa sœur de lait.

— Et cesse de me faire mal ainsi !

En réponse, elle reçut un coup de brosse sur l'épaule qui fit pousser un cri de mécontentement à Clelia, furieuse. Mais Timia s'en moqua et continua sa tâche, imperturbable. Après un ultime soupir, elle se laissa faire, espérant qu'ainsi, le temps passerait plus vite. Mais hélas pour elle, Timia ne semblait ne pas encore avoir fini et continuait à tortiller les mèches entres ses doigts avant placer les épingles en or.

— C'est fini ! s'exclama sa sœur de lait, ravie.

Elle brandit un petit miroir de bronze devant Clelia et attendit le verdict, impatiente. Timia avait fait un beau travail en amenant les mèches en petites tresses et placer au sommet du crâne, disposant du meilleur effet les épingles.

— Alors ? s'impatienta sa sœur. Qu'en penses-tu ?

— C'est magnifique, reconnut-elle à contrecœur.

Timia se mit à rire, ce qui renfrogna davantage Clelia. L'affranchie avait réussi l'exploit de dompter la chevelure qui avait tendance à former comme une auréole autour de sa tête et de refuser toute tentative de coiffure. Mais après avoir usé tout un trésor de patience et de baumes, la jeune rousse y était enfin parvenue, s'usant pendant au moins une demi-heure.

Une porte s'ouvrît depuis le jardin accompagnée par une bourrasque de vent. Cela fit voler les étoffes légères et les papyrus que Terpsis consultait. Une silhouette voilée fit son apparition, accompagnée par un soupir de soulagement. La personne ôta son voile de laine, ce qui libéra une chevelure de feu.

— Quel temps ! fit l'intendante en secouant ses cheveux trempés. Je vais finir par croire que Perséphone est revenue plus tôt que d'habitude aux Enfers !

— C'est surtout le meilleur moment pour se faire faucher par Thanatos, renchérit en riant Daphnée.

L'esclave tenait dans ses bras son enfant de deux mois maintenant, lui donnant le sein. L'esclave l'avait appelé Chloé en rapport avec la saison et la fraîcheur qu'apportait la petite dans cette atmosphère pesante.

— Que faisais-tu dehors ? voulut savoir Terpsis en roulant le papyrus avant de le poser.

— Le prince d'Ithaque est ici accompagné du roi de Thèbes, expliqua Aédone en passant un linge sec autour de ses cheveux. Ils veulent consulter la Pythie. J'étais dehors pour donner les ordres aux palefreniers et aux cuisiniers quand je les ai vu arriver.

— La Pythie ? s'exclama Clelia. Mais la saison est passée et il faut attendre l'année prochaine pour la consulter.

— Il est toujours possible de faire une exception aux puissants, expliqua distraitement la souveraine en jouant machinalement avec une mèche brune. Mais ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est pourquoi sont-ils ici alors qu'ils étaient déjà là il y a trois mois.

La reine arrêta soudainement d'entortiller sa mèche et fixa le vide un instant, songeuse. Elle semblait réfléchir à quelque chose, tout le gynécée suspendu à sa réflexion.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant