Cette cellule allait bientôt la rendre folle si elle y passait une seconde de plus. Desdémone entendait les gardes qui riaient entre eux tandis qu'elle croupissait ici depuis quelques jours et qui aimaient la regarder tourner en rond. Elle avait arrêté de compter au bout du deuxième, par désespoir.
Elle serra ses poings et porta sa main à sa dague avant de se rendre compte qu'on le lui avait prise, de même pour son glaive et sa besace sur l'ordre de Télémaque. Ils auraient même été prêts à lui arracher ses vêtements mais elle les avait menacé d'un mauvais sort. Elle regrettait encore de ne pas avoir mis sa menace à exécution mais si elle voulait avoir une chance de s'en sortir vivante, il valait mieux prendre sur soit et garder patience.
Desdémone regarda le quignon de pain rassi qu'on avait bien voulu lui jeter. Elle le prit et avec ce sort qu'elle avait su maîtriser en premier, elle le changea en pomme et croqua à l'intérieur, avec lassitude. Les illusions qu'elle lançait sur sa cellule pour la rendre plus agréable, les sorts qu'elle imprégnait sur sa nourriture pour la rendre plus agréable la lassaient. À quoi bon si c'était pour rester entre quatre murs, à se demander si on allait l'exécuter ou pas ? Les grands espaces lui manquaient et plus encore, elle ignorait ce que devenait Télégonos. Elle se faisait du soucis pour lui, elle craignait que Télémaque ne l'ait exécuté avant elle.
Un frisson la traversa et elle chassa de son esprit cette idée. Elle n'avait cessé de prier inlassablement les dieux pour qu'il aille bien. Elle essayait de garder un peu d'espoir.
La porte s'ouvrit et claqua contre le mur. Desdémone sursauta puis contracta ses muscles en voyant le sourire pervers d'un des gardes. Presque aussitôt, elle attrapa de la poussière et l'imprégna d'un sort. S'il lui faisait quelque chose, il le regretterait.
- J'espère qu'on te condamnera pour ton crime, étrangère, cracha-t-il près de son oreille. Je regrette simplement de ne pas pouvoir te posséder, mais tu n'es pas une grande perte, il en existe mille autres des filles comme toi.
Il la traîna littéralement par le bras à travers les corridors. Il lui faisait mal mais elle serra les mâchoires et évita qu'une plainte ne la trahisse. Il n'arrangea pas son cas quand les portes s'ouvrirent et qu'il la jeta brutalement au sol, face contre terre. Desdémone se releva rapidement et se tourna vers le soldat, le dardant d'un regard si noir qu'il perdit son sourire et recula jusqu'au mur puis elle se tourna. Elle vit Télémaque vêtu de noir, une femme qu'elle assimila à Pénélope aussi. Les traits du jeune homme était contracté par la colère et aussi le chagrin mais sa mère ne montrait rien, impassible et droite comme un piquet.
- Ton nom, celui de ton père et la cité d'où tu viens, ordonna d'un ton sec Télémaque.
- Eiréné, je n'ai plus de père et je ne viens d'aucune cité, répondit Desdémone en tentant de masquer comme elle pouvait son léger accent troyen pour le rendre neutre.
L'espace d'une seconde, elle vit Pénélope froncer les sourcils. Desdémone se rappela alors que toute la Grèce cherchait une fille aux yeux semblables aux siens. Elle baisse instantanément la tête et fixa le sol. Elle avait encore sa main refermée autour de la poussière de sa cellule et elle se décida de la lâcher pour éviter un autre accident, et surtout parce qu'elle sentait devenir une terre entre ses doigts moites.
- Retire ton turban.
Elle regarda Pénélope qui le lui avait ordonné d'une voix enrouée par les sanglots. Pourtant ses yeux ne paraissaient nullement rougis et à part ses vêtements noirs, rien ne laissait deviner qu'ils vivaient un deuil.
- J'ai la tête rasée, ça ne sert à rien...
On la saisit violemment par la tête et le turban lui fut ôté en emportant quelques mèches. Ses cheveux châtains et gras tombèrent sur ses épaules et encadrèrent son visage. Elle savait maintenant qu'on la reconnaîtrait plus facilement, on disait qu'elle ressemblait à sa mère et sa demi-sœur.
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De Delphes toute puissante
Historical FictionGrèce antique. Les grandes cités de Grèce se disputent une cité en particulier, gouvernée de façon particulière : des femmes sont à la tête, puissantes et indépendantes, aimées et respectées par leur peuple, prêtresses et médecins, guerrières et str...