Chapitre 21 : De surprises en surprises

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La fête battait son plein. Les musiciens accéléraient le tempo, complexifiant la danse. Des applaudissements tentaient de suivre la cadence, mais tout cela ne fut au final qu'une souffrance aux oreilles des mélomanes. Quand la musique s'acheva, on applaudit à tout rompre, félicitant les danseurs.

Les rires fusaient dans la grande salle, fêtant la victoire. Le vin mélangé dans les cratères était puisé en permanence par les esclaves qui le déversait ensuite dans les coupes des vainqueurs. La guerre était oubliée, on célébrait désormais Niké, aussi bien au palais que dans la cité.

À la fin de la démonstration, Clelia se mit à applaudir les danseurs, un sourire aux lèvres. Les musiciens reprirent leurs instruments et jouèrent à l'unisson, apportant de la gaieté après les pertes humaines. La guerre n'était plus qu'un mauvais souvenir.

- C'est ta première victoire, lui avait dit sa mère avant la fête. Sois-en fière.

Pourtant, elle n'en était pas fière, loin de là. Peu après la pluie de flèches enflammés, Terpsis avait attaqué en lançant la cavalerie aux trousses d'Ulysse. Le roi n'avait eu d'autre choix que de battre en retraite et de demander grâce à la souveraine. Terpsis l'avait accueilli dans le palais, prenant soin d'étaler toute sa puissance pour faire comprendre à Ulysse et aux autres, que s'en prendre à Delphes était une idée stupide et risquée.

D'Ulysse, la souveraine put obtenir ses excuses, sans se départir de ce sourire à la fois charmant et conquérant qui terrifiait pourtant les gens. Elle avait exigé un tribut, pour demander pardon de l'offense faite à la cité. Il partit, humilié par Terpsis. Elle exigea aussi les cent bœufs pour l'hécatombe que sa fille avait promis à Apollon. La nouvelle avait fait le tour de la Grèce.

Un aulète s'avança et s'inclina devant les souverains, respectueusement. Il commença à jouer seul, attirant toute l'attention de la mère et sa fille. Les autres ne prêtaient aucune attention au musicien et gâchaient ce plaisir.

La nuit était avancée. Clelia ne parvenait plus à résister au sommeil. Elle prit congé de ses parents et des invités et partit. Elle passa devant son cousin qui était de garde et le pinça au bras, rapidement. Il dormait presque sur sa lance et le pincement le réveilla. Il était perdu et ne comprenait pas ce qui se passait.

Les soldats, principaux artisans de cette victoire, profitaient eux aussi de la fête, dans les rues. Mais pas tous. Les éphèbes étaient affectés aux postes de garde. A leurs dépens. La reine avait pourtant insisté, afin de leur montrer sa reconnaissance, mais l'instructeur, connu sous le surnom du « rabat-joie » avait fermement refusé. Sous prétexte que la fête leur monterait à la tête. Ils en étaient dépités.

Clelia regagna sa chambre et s'écroula sur son lit. Elle ôta avec lassitude ses bijoux et la couronne de feuille de laurier, portée d'habitude par ses parents. En temps normal, elle aurait porté un simple diadème. Sa mère l'avait paré comme étant celle qui avait permis la victoire. Mais encore une fois, Clelia estimait ne pas avoir prit une grande part à cette victoire.

Lasse, elle retira ses bijoux et détacha ses cheveux. Elle se débarrassa de son chiton de soie vert et le jeta de l'autre côté de sa chambre. Il ne restait plus que le démaquillage. Elle avait envie de dormir et mais elle savait qu'au réveil, le noir du khôl coulerait. Et puis tant pis ! Elle était beaucoup trop fatiguée et ses paupières étaient trop lourdes pour lutter.

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Drapée dans sa tenue de prêtresse, Clelia gagna le temple d'Héra. Cela faisait un moment qu'elle n'y avait mis les pieds, à cause de son voyage. À peine arriva-t-elle devant qu'une odeur de cire et myrrhe se répandit. Une effluve plus fruitée et sucrée accompagnait la myrrhe.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant