Chapitre 51 : La balance de Zeus

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L'agitation sur l'Olympe était plus que palpable. À notre grand désespoir, les Achéens vivaient un revers que nous n'avions pas prévu jusqu'à maintenant. Les pertes étaient si grandes de ce côté que les Achéens venaient à s'interroger sur l'issue de la guerre. Leur plus grande crainte était de voir que nous les avions abandonnés au profit des Troyens. Mais il était tout simplement impensable pour ma mère et Athéna que nous soutenions ses lâches de Troyens. Ma mère et Athéna vouaient encore une haine farouche à Pâris et voulaient plus que tout que sa perte, ainsi que celle de Troie.

Mais de l'autre côté, le berger était protégé par trop de divinités. Artémis et Apollon guidaient ses flèches, Aphrodite étendait sur lui sa protection ainsi que sur Énée, Léto en faisait de même. Malgré son esclavage par la cité, Poséidon suivait l'exemple de son neveu et enfin Xanthe qui, plein de rancœur contre les Achéens, voyait dans ses flots teintés de rouge charrier les cadavres de soldats. De tous, je crois bien que Xanthe était le plus prédisposé à voir le camp d'Agamemnon décimer pour son impiété. Les habitants de la Troade avaient toujours respecté ses eaux et jamais elles n'avaient été souillées par la guerre, même contre celle qui les opposait à Héraclès.

Malgré les années de servitude à lesquelles Apollon et Poséidon furent réduits, ils protégeaient Troie. Un de leurs arguments étaient sa piété. Au contraire des Achéens qui détruisaient sans hésiter les temples, eux offraient les sacrifices et s'expiaient du sang qui les maculait. Et puis Apollon était leur dieu protecteur, bien avant son esclavage. C'était sa tâche de veiller et défendre contre la folie d'Héra et Athéna la cité.

Et pour ne rien arranger, Zeus favorisait Priam et ses fils. Cela avait le don de mettre hors d'elle ma mère qui enrageait devant cette injustice. Devant lui, une balance représentaient les deux camps et les diverses batailles qui les opposaient. Parfois, elle penchait, imperceptible, ou alors un côté devenait plus lourd que l'autre et relevait l'autre plateau. Et là, nos souffles se retenaient dans nos poitrines, enveloppés par un silence à la fois douloureux et plein d'espoir. Puis venait l'attente interminable. Il était effrayant, pour nous, immortels, d'être réduits à cette attente et de voir nos actions suspendues à celles des mortels. Et alors, l'heure de vérité arrivait, et désormais, l'on entendait plus que les explosions de joie chez Aphrodite, Apollon et Xanthe depuis son lit. Tel était la vie sur l'Olympe depuis le serment de Clelia, il y a un an.

Un dernier regard vers la balance qui se penchait du côté des Troyens avant de me tourner vers Iris. Elle secoua sa tête, prévoyant comme moi la réaction d'Héra lorsqu'Iris lui annoncerait la mauvaise nouvelle. Elle allait revenir d'une minute à l'autre des Enfers. Se pressant, elle rejoignit son palais, les parfums entre ses mains alors que je courrais presque jusqu'aux écuries afin de récupérer son char. Elle arriva enfin, ma mère aux bras blancs et au visage sévère. Les traits tirés par sa rage, elle me confia les rênes des chevaux. Pourtant, je ne pris pas la peine d'ôter leur harnais, je courus la rejoindre. Elle marchait au pas de course et rejoignit son palais, voisin à celui de Zeus. Elle ne prononça aucun mot avant d'accéder à sa chambre. Iris, gracieusement, s'inclina avant d'entreprendre sa toilette.

Je la débarrassai de ses vêtements souillés par son voyage dans le monde des morts et dénouai ses cheveux alors que sa messagère versait l'eau de Jouvence dans le marbre creusé, aussi blanc que ses bras. Aussitôt, Héra plongea son corps pendant qu'Iris frottait son dos avec douceur, afin de ne pas altérer sa peau d'une marque rouge. Ce geste qui avait le don pour calmer toutes ses colère ne marcha pas pour cette fois. Elle garda ses traits tirés par la colère.

Sur son ordre, je la couvris d'un drap pour la sécher et elle s'installa devant sa coiffeuse. La messagère entreprit de peigner ses cheveux, toujours avec des gestes délicats et mesurés. Par moment, nous guettâmes quelconque émotion en observant son grand miroir de bronze. Toujours de la colère. Nous savions ce qui se passerait d'une minute à l'autre.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant