Chapitre 132 : La chute des Lionnes

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Les premiers rayons du soleil virent les soldats des deux camps se préparer pour l'assaut. Ils portaient leurs cuirasses serrées et leurs armes rutilantes. Les cavaliers harnachaient leurs chevaux avant de les confier à des palefreniers qu'ils avaient emporté avec eux. Chaque soldat se réunit autour de son étendard et regarda son chef de guerre sacrifié aux dieux pour s'attirer leur faveur.

Clelia s'occupa en personne du sacrifice d'un bœuf à Apollon, entourés par ses enfants. Andrios le mena de son côté, à Zeus et Héraclès dont il était le prêtre. Hélénos également, à Apollon. Chacun regarda de son côté le foie et le présage pour connaître la volonté des dieux. Du côté delphien, Desdémone avait fait appel aux morts pour savoir davantage et Tharros au vol des oiseaux qu'il savait lire. Quand ils virent que le foie n'était pas nécrosé, le soulagement s'empara d'eux et ils lavèrent leurs mains avant de rejoindre leur armée pour prendre leur poste.

Pistos rejoignit Clelia avant de prendre son poste et il suivit son regard vers ses enfants qui parlaient ensemble, sans la moindre trace d'animosité. Sur son visage, il guetta un sourire de soulagement et attendri.

- Ils sont tombés sur la tête ? s'étonna-t-il en les observant. Avant, ils voulaient s'entretuer, maintenant ils rient. Tu sais ce qui s'est passé ?

- Ça n'a pas d'importance. Ils parviennent enfin à communiquer sans se hurler dessus et ils ne créeront plus de division. Je me sens soulagée.

- Ne parle pas trop vite. Ils s'entendent enfin mais on a les mycéniens sur le dos. Regarde leur armée.

Il pointa son menton vers les remparts qui s'élevaient devant eux. Les rangs impeccables et serrés, leurs cuirasses épaisses et lourdes gardaient la cité. Les officiers sur leurs chevaux nerveux paraissaient immenses malgré la distance. Malgré elle, Clelia sentit un frémissement dans son dos mais ne chercha pas à le réprimer. Elle sentait son corps devenir chaud et ses mains se refermèrent nerveusement sur ses armes, la surprenant d'abord avant de s'y habituer. Cette même sensation, elle ne l'avait plus connu depuis Troie et même bien avant. Mais c'était cela qui l'animait avant une bataille. Elle commençait à s'habituer et grimpa sur son cheval, attrapant au passage la lance que lui tendit Pistos. Il imita son mouvement et dirigea son cheval vers elle pour l'entendre.

- Les dieux ont parlé, ils sont de notre côté, déclara Clelia. Faisons comme nous avons toujours fait. Je m'en remets avant tout à nous et nos soldats. Et puis tu en profiteras pour mettre la fessée au sale gosse.

Pistos éclata de rire en l'entendant conclure de cette façon. Clelia sourit et la tension qui pesait sur ses épaules s'en alla un peu. Elle finit par se joindre à son rire avant de se calmer et donner un coup dans les flancs dans sa monture pour la faire avancer. Ils avancèrent doucement mais s'arrêtèrent quand Pergamos vint devant leurs chevaux, sans chercher à s'écarter. Clelia avala difficilement sa salive en voyant le fils de Néoptolème lui faire face, avec ces cheveux roux et ce regard hardi. Comme Desdémone, elle évitait lui et ses frères autant que possible, sachant pertinemment que si la vérité leur parvenait, elle serait la première à payer. À ses côtés, Pistos n'était guère rassuré et il s'apprêtait à chasser le garçon. Puis finalement, Pergamos parla :

- Je te souhaite bonne chance, ma tante, commença-t-il avec une voix un peu tremblante. J'espère que tu vaincras Oreste et que tu vengeras mon vrai père. Je veux qu'il paye pour ce qu'il a fait. À toi aussi, mon oncle, je te souhaite bonne chance, que les dieux vous gardent.

Il s'arrêta et sembla vouloir ajouter une dernière chose. Mais la voix forte d'Hélénos le rappela à l'ordre et il sursauta. Clelia remarqua qu'il serra trop fort les lanières de cuir de sa cuirasse, au point d'en faire blanchir ses articulations. Pergamos prit une grande inspiration et avant de partir, s'inclina poliment avant de courir rejoindre son père adoptif. Clelia sentit peser sur elle la rancune que lui portait son beau-frère, furieux à cause des nombreuses réprimandes qu'il avait essuyé, mettant à mal sa positon de roi. Mais elle s'en moquait et elle poussa son cheval à avancer pour tourner le dos son beau-frère. Pistos resta un moment, hésitant puis choisit de suivre sa cousine, comme il l'avait toujours fait.

De Delphes toute puissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant